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à rattacher l’existence de cet empire à l’équilibre général de l’Europe, enfin à n’entrer dans aucun arrangement avec la Russie sans en avoir préalablement délibéré en commun avec les puissances occidentales.

C’étaient là des engagemens positifs et considérables, mais que les deux cours ne devaient pas trouver encore suffisans; elles allaient à leur tour entrer dans la querelle avec un traité particulier qui ne leur imposait pas seulement, comme le protocole du 9 avril, l’obligation de faire prévaloir certains principes dans un avenir indéfini, mais qui précisait un moment où elles devraient prendre les armes. Le 20 avril 1854, le jour même où le maréchal de Saint-Arnaud prenait officiellement à Marseille le commandement de l’armée d’Orient, les deux grandes puissances allemandes signaient en effet un traité d’alliance offensive et défensive par lequel elles promettaient de poursuivre auprès de la cour de Russie l’évacuation des principautés et la suspension du mouvement de l’armée russe sur le territoire ottoman. Dans le cas où les négociations n’aboutiraient pas, l’une des deux parties contractantes s’engageait à mettre son armée sur le pied de guerre, et toutes deux s’obligeaient à prendre l’offensive contre la Russie, si elle déclarait l’incorporation des principautés à son territoire, si elle franchissait la ligne des Balkans, ou même si elle l’attaquait. Toutefois ce n’était pas encore assez pour aider efficacement au rétablissement de la paix. Si les deux grandes puissances allemandes eussent osé ou pu faire davantage, peut-être la Russie, qui depuis a accepté en principe les quatre propositions formulées dans les notes du 8 août 1854, aurait-elle reculé devant la perspective nettement dessinée d’une coalition générale. Est-il plus honorable pour elle de négocier après Silistrie, après Giurgevo, après l’Alma, après Inkerman, après le traité du 2 décembre, qu’il ne l’eût été au milieu d’avril 1854, lorsque ses armes n’avaient encore éprouvé aucun revers sérieux, lorsqu’elle venait de remporter quelques succès sur le Bas-Danube et dans la Dobrutscha, lorsqu’on donnant à la Prusse et à l’Autriche des gages certains de sa bonne volonté, elle eût mis ces deux puissances en position d’offrir à tous les belligérans une médiation qu’il eût été difficile de repousser? Au fond, c’était ce que désiraient l’Autriche et la Prusse, la Prusse surtout, ce qu’elles ont sans doute espéré, mais ce qu’elles n’ont pas obtenu par le protocole ni par le traité d’avril.

Il serait souverainement injuste cependant de ne pas reconnaître l’importance que ces actes ont eue dans leur temps. Si étrange, pour ne rien dire de plus, que soit aujourd’hui la position de la Prusse, qui, après avoir tout signé jusqu’au mois de juillet, et même recommandé à Saint-Pétersbourg, par des pièces qu’elle ne peut plus