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heroopolitain ; donc la ville d’Heroopolis, qui donnait son nom au golfe, est l’Hero de l’itinéraire et des Septante; donc elle est représentée par les ruines d’Abou-Keyclieyd, donc la Mer-Rouge s’étendait alors jusqu’à Serapeum, extrémité nord du bassin des lacs amers; donc ce bassin a été séparé postérieurement de la Mer-Rouge par l’accumulation des dépôts et des sables. Voilà l’argumentation des partisans de cette

Du temps de Danville, le terrain de l’isthme était peu et mal connu ; plusieurs objections radicales s’élèvent aujourd’hui contre ce système. En premier lieu, le seuil de Suez n’est formé ni de sables, ni d’alluvions modernes; c’est une formation tertiaire analogue aux terrains à gypse qu’on rencontre sur divers points du bassin de la Méditerranée, et par conséquent bien antérieure à l’existence de l’homme sur la terre. C’est par l’émersion de ce seuil que s’est opérée la séparation du bassin des lacs; cette émersion, probablement contemporaine de celle des seuils de Serapeum et d’El-Ferdan, a sans aucun doute précédé de beaucoup les temps historiques, et il faudrait, pour expliquer l’hypothèse de Danville, rapporter à une époque récente soit le soulèvement de l’isthme, soit l’abaissement de la Mer-Rouge, faits dont assurément on retrouverait les traces. Ces considérations géologiques suffiraient pour rejeter l’hypothèse de Danville, mais les argumens d’un autre ordre ne manquent pas. Je me bornerai à indiquer les principaux.

D’après Hérodote, le parcours du canal entre la prise d’eau sur le Nil, près de Bubastis, et son embouchure dans la Mer-Erythréenne, exigeait quatre jours de navigation. Cette distance eût été à peine de deux journées, si l’extrémité nord du bassin des lacs eût été la rive de la Mer-Rouge.

La ville d’Heroopolis, placée à Abou-Keycheyd, eût été encore à une distance de 28 kilomètres de la rive prétendue de la Mer-Rouge, dans une vallée tout à fait indépendante, et à vrai dire dans la vallée du Nil, et non pas dans le golfe heroopolitain.

Dans le système de Danville, il faut nécessairement placer au lac Timsah les lacs amers que les auteurs anciens mentionnent si souvent; or comment le lac Timsah, qui dans tous les temps a été envahi par les eaux du Nil, et dont le fond était cultivé, ainsi que toute la vallée environnante, a-t-il pu jamais contenir des eaux remarquables par leur amertume? Comment un changement aussi extraordinaire que la retraite de la Mer-Rouge de Serapeum à Suez, événement qui aurait fait reculer les côtes de cette mer de plus de 50 kilomètres, et qui se serait passé à une époque relativement moderne, n’aurait-il été mentionné par aucun des auteurs de l’antiquité? car il n’y a pas de milieu, il faut admettre que la retraite de