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mériter au plus haut point l’attention et la confiance. Elle présente, à mon avis, le tableau exact et circonstancié de l’état de choses créé par l’existence du canal, état de choses qui n’a été contesté qu’à l’aide d’argumens tirés de la situation actuelle des lieux, et dont j’aurai occasion d’examiner plus tard la valeur.

Quelques auteurs arabes prétendent qu’Amrou forma le projet de joindre les deux mers par une communication directe à travers l’isthme, communication qu’il se proposait d’alimenter avec les eaux du Nil, et qu’Omar s’y opposa dans la crainte d’ouvrir aux vaisseaux chrétiens l’entrée de l’Arabie. Cette assertion est remarquable à deux points de vue : elle prouve en effet, d’une part, que les Arabes savaient à quoi s’en tenir sur les niveaux relatifs des deux mers et du Nil, et d’un autre côté c’est la première fois qu’on voit apparaître l’idée de la coupure directe de l’isthme. On a prétendu, à la vérité, que le canal de Necos avait pour but la communication directe des deux mers, mais cette opinion ne repose sur aucun fait ni sur aucune autorité. La tranchée du seuil qui sépare le lac Timsah du lac Menzaleh eût été une œuvre fort considérable et de bien peu d’intérêt, car elle aurait seulement abrégé la navigation des barques allant directement de la Méditerranée dans la Mer-Rouge, sans rien changer aux conditions de cette navigation, qui pouvait s’opérer par la branche pelusiaque, alors l’une des principales, en remontant jusqu’à Bubastis, et en prenant ensuite le canal dont la prise d’eau était voisine de cette ville, d’où il résulte que l’exécution du canal direct entre le lac Timsah et Peluse n’aurait eu d’autre résultat que d’abréger ce détour. Or quel intérêt pouvait avoir ce raccourcissement sous les pharaons et même sous la dynastie perse, et que pouvait être à cette époque le commerce direct entre la Méditerranée et la Mer-Rouge? Sous les Ptolémées même, ce commerce, qui avait pris une importance réelle, se faisait nécessairement par l’entrepôt d’Alexandrie, et ces souverains, comme les précédons, n’étaient évidemment préoccupés que des relations de l’Egypte avec la Mer-Rouge. Bien loin d’ouvrir une communication directe éloignée de l’Egypte, ils l’auraient certainement fermée, si elle avait existé. Il est donc incontestable qu’à aucune époque, ni de l’antiquité, ni du moyen âge, il n’a été fait de tentative pour établir la communication directe des deux mers.


VI. — VESTIGES ET REGIME DE L’ANCIEN CANAL.

Pour compléter ces détails sur l’ancien canal de l’isthme, il me reste à en décrire les vestiges encore subsistans.

En 1799, le lit de l’ancien canal était reconnaissable à l’entrée de