Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/504

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dimensions du canal, il est facile de se rendre compte du débit, qui ne pouvait excéder 15 mètres par seconde en basses eaux et 90 mètres dans les plus hautes eaux. Or dans ce climat l’évaporation seule enlèverait chaque jour une tranche d’au moins 1 centimètre de hauteur sur toute l’étendue de la nappe d’eau du bassin, ce qui correspond à environ 30 mètres par seconde. Il est même probable que cette dépense est au moins double en été, et si l’on ajoute à ce chiffre la consommation faite par le canal lui-même et par les irrigations des terrains alors cultivés qu’il traversait, il demeure évident que le débit était insuffisant pendant une partie de l’année pour alimenter le bassin des lacs, et que par conséquent le niveau de ce bassin devait s’abaisser jusqu’au moment où la crue du Nil venait relever le débit du canal au-dessus du chiffre nécessaire pour l’alimentation. Une tranche d’un mètre de hauteur dans le bassin des lacs représente environ 260 millions de mètres cubes; en supposant que le canal fournît un excédant de 30 mètres par jour en sus des besoins de l’alimentation, cent jours eussent été nécessaires pour amener ce cube dans le bassin et pour y élever d’un mètre le niveau des eaux. D’un autre côté, l’évaporation enlevant dans la belle saison au moins 2 centimètres par jour, soit 1 mètre en cinquante jours, si le bassin fût resté cent jours sans rien recevoir, son niveau se serait abaissé de 2 mètres, et si on le supposait alimenté à moitié pendant cent jours, l’abaissement eût été de 1 mètre.

Le niveau du bassin des lacs oscillait donc, selon toute apparence, d’une hauteur de 1 à 2 mètres en contre-bas du maximum, qui ne dépassait, comme on l’a vu, le plafond du canal que de 2 à 3 mètres au plus. Il en résulte que chaque année, à l’époque des basses eaux, le tirant d’eau dans le canal, à l’entrée comme à la sortie des lacs, devenait insuffisant pour la navigation, qui restait ainsi suspendue jusqu’au retour de la crue. Le niveau du Nil à la prise d’eau s’était élevé à la vérité probablement de près d’un mètre sous les Ptolémées; mais d’un autre côté la branche pelusiaque s’était appauvrie, et, tout compensé, les résultats devaient être à peu près les mêmes.

Les Romains et les Arabes ayant relevé la prise d’eau, il leur eût été facile de maintenir les eaux du bassin à un niveau constant; mais il est plus que douteux que les dimensions et les pentes du canal fussent convenablement calculées pour cela, et il y a lieu de penser que le régime du bassin était assujetti à des variations analogues à celles que nous venons de décrire pour les temps antérieurs.

Je crois pouvoir conclure de cet examen : 1° que la navigation a toujours été intermittente dans l’ancien canal ; 2° que le tirant d’eau n’excédait pas 2 mètres dans les momens les plus favorables; 3° que le niveau du bassin des lacs amers s’abaissait chaque année