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succès; mais le maintien d’une profondeur de 8 mètres présente des difficultés qui n’ont jamais été ni surmontées ni même abordées.

L’emploi d’un pont-canal pour franchir le fleuve soulève des objections non moins graves; ce système oblige en effet à relever la ligne d’eau du point de partage d’au moins 12 mètres, et à exécuter par suite quatre écluses de plus sur chaque versant; il présente d’ailleurs des difficultés d’alimentation très sérieuses.

La traversée du Nil est donc la difficulté capitale des tracés par Alexandrie. J’en conclus immédiatement que tout tracé par le Delta qui aurait à traverser les diverses branches du fleuve et les canaux d’irrigation qui sillonnent le pays doit être repoussé. Il y a d’ailleurs, pour rapprocher le tracé du Caire, des raisons qui touchent aux intérêts politiques et matériels de l’Egypte, et dont il est impossible de faire abstraction. Enfin la construction du barrage, s’il s’achève et s’il produit les résultats qu’on en attend, serait une raison décisive pour reporter en amont de cet ouvrage l’origine des deux branches du canal.

Les nivellemens de 1847 établissent d’après les renseignemens fournis par M. Mougel, à qui sont dus les projets du barrage, et qui en a dirigé l’exécution, que cet ouvrage une fois complété aurait pour résultat de relever le niveau du Nil en amont à la cote 17; le radier est d’ailleurs établi à la cote 10,40, et les hautes eaux atteignent la cote 19,22. Il en résulte que le tirant d’eau en amont du barrage serait en basses eaux de 6m60, et en hautes eaux de 8m 80. Si donc ce projet s’achève, s’il réalise les espérances de l’ingénieur distingué qui l’a conçu, il suffirait de relever un peu le niveau de la retenue pour assurer pendant onze mois au moins un tirant d’eau supérieur à 8 mètres. Reste la difficulté de maintenir le lit du fleuve au niveau du radier; mais cette difficulté, à peu près insoluble dans les cours d’eau à crues rapides et passagères qui modifient sans cesse le fonds me paraît très surmontable dans un fleuve comme le Nil, qui n’a chaque année qu’une crue unique, et qui s’élève lentement et régulièrement pendant trois mois pour s’abaisser ensuite avec la même régularité et avec une lenteur plus grande encore pendant le reste de l’année. Avec ce régime, une puissante machine à draguer suffirait sans doute pour maintenir le lit au niveau du radier.

Admettons donc avec M. Linant que la retenue du barrage servira de point de partage au canal, et supposons le niveau inférieur à cette retenue fixé à la cote 18 mètres, c’est-à-dire 1 mètre au-dessus du projet de M. Mougel. Cette base adoptée, rien de plus simple que le tracé du canal. L’une des branches, de 180 kilomètres de longueur, se dirigerait vers Alexandrie, en suivant l’ancien lit, aujourd’hui oblitéré, du canal de Joseph, puis celui du canal appelé le