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« Je me suis arrangé, dit-il, de manière à ce que l’ennemi ne pût traverser ni la Selle ni le Sauzet. » Ainsi Cambrai, Saint-Omer et Mons étaient serrées de très près par nos troupes; mais le roi n’en voulait réellement qu’à Valenciennes.

Louvois mandait à Louis XIV le 1er mars à quatre heures de l’après-midi : « Il n’est jusqu’à présent rien entré dans Valenciennes depuis les deux cents chevaux qui y pénétrèrent il y a quinze jours, et la place déjà est investie de tous côtés; l’on commencera la circonvallation plus serrée aussitôt que l’arrivée des pionniers donnera moyen de le faire. Il fait le plus effroyable temps qu’on puisse voir, et je crains bien que votre majesté ne puisse faire les journées qu’elle s’est proposées, particulièrement de Saint-Quentin au Casteau, et du Casteau icy. Si en arrivant au Casteau elle trouvait l’infanterie trop fatiguée, elle pourrait la faire aller au Quesnoy pour arriver le 5 icy[1]. Je mande présentement à M. du Rencher d’envoyer à votre majesté quelqu’un au Casteau, le jour qu’elle doit s’y rendre, qui la puisse mener par le chemin qui sera praticable, et lui marquer par où elle pourra passer l’Escaillon. »

Si la lettre qu’on vient de lire prouve que Louvois pensait à tout, elle donne aussi de curieux détails sur l’état des routes et des communications dans notre pays à cette époque. Quelques lignes d’une lettre écrite par M. de Saint-Pouanges[2] à Louvois, et datée de Mauny le 1er mars, huit heures du soir, doivent encore être citées à ce propos. « Le roy est arrivé icy avec assez de peine, écrivait M. de Saint-Pouanges, et sans aucun bagage; la plupart des carrosses des courtisans sont demeurés par les chemins, et surtout celui de M. de Créquy. Pour le mien, il n’est pas demeuré; mais nous avons versé dans un penchant fort rudement. M. le chevalier de Nogent, qui était du côté que le carrosse est tombé, se plaint un peu de l’épaule, et moi de la tête... » M. de Saint-Pouanges mandait encore au marquis de Louvois du Casteau-Cambrésis, 6 mars : « ….. Sa majesté fait estat de partir demain à la pointe du jour, et d’aller passer l’Escaillon à Bermirain; il ne sera point nécessaire que vous y fassiez préparer à manger pour sa majesté, parce que six chevaux de bast l’ayant suivie, ils arriveront assez tôt demain pour qu’on lui puisse accommoder à souper, sa majesté faisant estat de dîner à moitié chemin, etc. » Il paraît qu’en 1677 la manière de voyager en France ressemblait beaucoup à celle qui est d’usage en Afrique aujourd’hui.

Le roi était parti avec MM. de Schomberg, de La Feuillade et de Lorges. Le maréchal d’Humières ayant rejoint l’armée au camp

  1. Les journées de marche de l’infanterie étaient alors bien plus fortes qu’aujourd’hui.
  2. Fils de Colbert, cousin-germain de Louvois.