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Les grenadiers de Picardie, un détachement de Soissons et la deuxième compagnie des mousquetaires (les noirs) se portèrent sur le côté droit de l’ouvrage. En un instant, les deux demi-lunes étaient occupées, et les palissades, déjà fort endommagées par le canon, furent arrachées ou renversées; l’ouvrage à couronne, attaqué par trois côtés, se trouva aussi assailli par la gorge. Déjà depuis longtemps les éclats des bombes, en labourant la terre, avaient beaucoup adouci les pentes et causé plus d’un éboulement dans les talus, qui, ainsi que je l’ai dit, n’étaient soutenus par aucun revêtement. L’escalade se trouvait donc facilitée pour notre infanterie sur tous les points des rampes, et l’escarpe fut gravie partout à la fois; l’ennemi se défendit bravement, mais ne put résister à l’impétuosité d’une pareille attaque. On tua, on fit prisonnier dans cet ouvrage tout ce qu’on y trouva : quantité d’officiers supérieurs ou de seigneurs de distinction, espagnols ou hollandais, en tout plus de huit cents hommes. Le pont de la contregarde avait été levé; l’ennemi, ayant sa retraite coupée, fut obligé de se rendre à discrétion.

Alors, par un hasard providentiel, les mousquetaires, toujours entreprenans et aventureux, découvrirent sur la gauche, dans un mur attenant à la contre-garde et descendant jusque dans l’Escaut, un petit guichet qui était ouvert. Ce passage, invisible d’abord, et qui dut être révélé par quelque fuyard, servait évidemment de communication avec la ville, et l’on avait négligé de le fermer. S’y précipiter, tourner la contre-garde par la gorge, où elle n’était pas retranchée, et en prendre possession, fut pour les mousquetaires l’affaire d’un instant. Ces intrépides soldats, trouvant apparemment que les grenadiers de M. de Riotot[1] n’allaient pas assez vite à leur gré, les bousculèrent, leur passèrent par-dessus les épaules, et prirent la tête.

Il est curieux de remarquer que ces braves faisaient en sorte de se trouver toujours les premiers, et de façon à ce que personne ne pût, sinon les rejoindre, au moins prendre leurs places. Les écrits de l’époque sont unanimes pour attribuer uniquement aux mousquetaires le succès de la journée. Ces jeunes gens, tous de la plus haute naissance, nourris dans les traditions de leurs compagnies, où l’intrépidité était une qualité presque vulgaire, téméraires, adroits, maniant parfaitement leurs armes et habitués à se battre en duel, formaient une troupe d’élite à laquelle rien ne devait résister. On comprend que dans des actions où la victoire dépendait de l’énergie ou de l’impétuosité d’une tête de colonne, le résultat d’un combat l’épée à la main dût être en leur faveur : c’est ce qui eut lieu durant l’assaut de Valenciennes. En effet, à partir du moment où les

  1. Il fut blessé grièvement à la tête au commencement de l’action.