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que Kepler devait faire jouer plus tard à cette courbe, longtemps négligée d’après cette idée que le cercle était la seule courbe assez parfaite pour que l’auteur de la nature put s’en servir.

Deux ou trois érudits ont cherché à établir que l’antiquité avait tout su. Les modernes n’avaient fait que retrouver la science des anciens. Télescope, microscope, électricité, aimant, attraction même, tout était dans les ouvrages des Grecs et des Romains. Cette exagération n’a pas besoin d’être réfutée. Les sciences d’observation sont de date très récente, et ne remontent guère à plus de deux siècles. Il est donc curieux de voir comment une des écoles grecques concevait la formation du monde. On sait que Virgile n’était exclusivement d’aucune secte philosophique, quoique généralement il fût ce qu’on appelait académicien (academicus), c’est-à-dire platonicien. Ainsi les vers que j’ai mis en tête de cette étude pourraient être un résumé des opinions cosmogoniques de Pythagore et de Platon, qui adopta dans sa vieillesse le système de Pythagore, reproduit par Copernic dans les temps modernes. D’autres pensent que Virgile prit ses idées aux initiés des mystères, qui semblent avoir eu bien des notions exactes qu’ils ne divulguaient pas. Quoi qu’il en soit, on peut dire que l’auteur de cette théorie eut une sorte de prescience de la théorie cosmogonique de Laplace. Il montre d’abord la matière disséminée dans l’espace, ensuite se réunissant et s’agglomérant pour former les astres et le globe de la terre lui-même à l’état naissant. Si le lecteur veut bien ouvrir un Virgile à la sixième églogue, il verra que le poète passe très fidèlement des époques cosmogoniques aux époques géologiques, car il nous montre ensuite le sol se consolidant, la mer se séparant des continens, le soleil éclairant la terre pour la première fois, elles nuages, disséminés dans l’atmosphère, laissant tomber la pluie d’en haut. Plus tard, les végétaux apparaissent, puis les animaux, qui errent en petit nombre sur des montagnes encore sans nom. Enfin le poète passe à la naissance de l’homme et aux premiers âges de Saturne et de Prométhée, qui donne aux mortels le feu céleste. On voit que rien ne manque à la succession des événemens.

La théorie que Virgile développe ici en style poétique ferait grand honneur à l’antiquité, si elle eût été généralement adoptée ; mais à côté de l’école, quelle qu’elle soit, qui professait cette belle doctrine, il en était d’autres où l’on enseignait que le soleil était un globe n’ayant qu’un pied de diamètre. Le secret de ces rencontres merveilleuses et du peu d’estime qu’on en a fait, c’est que la Grèce et l’antiquité ont tout dit, mais qu’elles n’ont rien démontré.

C’est aux séances de l’École normale primitive, en 1796, que Laplace exposa en peu de mots ses idées sur la formation du système