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effacée et timide auprès de la simplicité sans contrainte et du naturel sans fausse honte du maître italien ! La figure de Napoléon elle-même, vraiment imposante d’ailleurs par l’attitude, ne trahit-elle pas les préoccupations un peu mesquines du pinceau, ses hésitations et en quelque sorte ses méfiances ? Pourtant quoi de mieux fait pour le rassurer que les conditions particulières du sujet ? quelles ressources pittoresques n’offraient pas à David l’auguste beauté de ses modèles, le lieu de la scène, la variété et la richesse des costumes ! Avec de tels élémens, il lui suffisait, pour exprimer la grandeur, de tracer une image fidèle de la réalité. En voulant au contraire établir une espèce de compromis entre la sincérité et l’artifice, il n’est arrivé à produire qu’un fac-similé un peu bâtard, où percent, à côté d’une certaine volonté d’exactitude, des arrière-pensées académiques et la gêne qu’imposent à la main les doutes de l’esprit.

Le tableau du Couronnement et celui de Lèonidas, auxquels il faut ajouter le portrait du Pape Pie VII, aujourd’hui au musée du Louvre, peuvent être considérés comme les derniers spécimens importans du talent de David. Le déclin de ce talent, déjà sensible dans le Leonidas, frappe encore plus les yeux quand on se trouve en face des œuvres qui suivirent, et il est au moins inutile de chercher à reconnaître le peintre des Sabines dans le peintre de l’Amour et Psyché ou de la Colère d’Achille. Ces deux toiles néanmoins, et quelques autres peintes par David pendant les dix années qu’il passa en Belgique, ne firent en apparence qu’ajouter à sa renommée lorsqu’elles furent exposées pour la première fois à Paris ; mais l’esprit de parti ne demeura pas, à ce qu’il semble, étranger au succès qu’elles obtinrent alors, et peut-être les hommages rendus au peintre s’adressaient-ils plus directement encore à l’exilé. David, banni de France après la seconde restauration, mourut à Bruxelles en 1825.

Trente ans se sont écoulés depuis cette époque, et les souvenirs politiques qui se rattachent au nom de David ne sauraient plus aujourd’hui égarer l’opinion sur la valeur réelle de ses travaux. En outre ces trente années ont vu se succéder dans le domaine de l’art bien des entreprises contraires qui n’ont pas laissé en définitive de tournerait profit de notre impartialité, et de nous enseigner la prudence. Pour juger David, nous sommes maintenant aussi loin des engouemens des premiers jours que des injustices posthumes, et l’on n’aura à craindre le ressentiment d’aucun parti en ne donnant pleinement raison ni à ses enthousiastes, ni à ses détracteurs. Les toiles que nous avons mentionnées ne sont pas sans doute des œuvres de premier ordre, mais elles attestent, à des degrés divers, un talent remarquablement consciencieux, une science rare, et par-dessus tout une grande force de volonté. La volonté appliquée à l’expression de la