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villes, on ne connaît les chandeliers ou les chandelles; je ne parle pas des bougies. On y brûle de petits éclats d’un bois résineux qui donne une lumière fort vive, mais plus de fumée encore que de lumière. On tient ces petits bâtons enflammés à la main, au risque de répandre la résine allumée sur tous les objets environnans et souvent sur ses propres doigts, au grand péril aussi de la maison et de ses hôtes.

Dès le soleil levant, nous nous remîmes en route. Nous devions arriver avant la fin du jour à Latakié. Il n’était pas encore midi lorsque nous rencontrâmes, à une petite distance de la ville, une cavalcade composée des principaux habitans, qui venaient, selon l’usage, nous souhaiter la bienvenue et nous escorter jusqu’à la maison du consul anglais, chez lequel nous étions attendus, et où nous trouvâmes nos bagages et nos gens. La maison et la famille du consul anglais de Latakié devraient être montrées à tous les étrangers, comme le type le plus séduisant des maisons et des familles arabes. Tout y est strictement national, c’est-à-dire oriental, et pourtant il est difficile de rien imaginer de plus élégant que cette maison, ni de plus gracieux, de plus respectable que la famille qui l’habite.

L’usage de faire communiquer les appartenions entre eux n’est pas connu dans l’Orient arabe; la cour est le lien qui rattache les unes aux autres toutes les pièces d’une maison, et chacune de ces pièces se suffit à elle-même. Autant de chambres supérieures, autant d’escaliers qui aboutissent tous dans la cour. Il n’y a là économie ni d’espace, ni de matériaux, ni de main-d’œuvre; mais rien de tout cela ne coûte bien cher en Orient, et d’ailleurs tel est l’usage. On entre dans la maison du consul anglais à Latakié par une petite porte basse donnant d’un côté dans la rue et de l’autre dans un passage étroit et sombre qui ouvre sur la cour. Celle-ci est pavée de grandes dalles de marbre et entourée de divers corps de logis; celui du fond contient la chambre commune ou le salon auquel on parvient par un escalier extérieur et à double rampe, comme les escaliers des perrons de nos maisons de campagne. Le salon est grand, éclairé par sept fenêtres donnant sur des jardins, et meublé d’un divan qui s’étend tout le long des parois au-dessous des fenêtres; plusieurs autres sofas plus petits sont adossés aux murs. Tous les meubles sont recouverts de soie verte, les rideaux des fenêtres sont de la même étoffe, le parquet est reluisant de propreté, un lustre suspendu au milieu de la pièce complète l’ameublement. Vis-à-vis de ce corps de logis est la salle à manger, grande pièce au rez-de-chaussée n’ayant de jour que sur la cour, entourée d’une estrade sur laquelle sont placés des divans et des carreaux empilés. Les deux corps de logis latéraux contiennent les chambres à coucher, les bureaux, les