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ne rien laisser d’indéfini, le même besoin d’exprimer clairement des intentions avant tout ingénieuses, et il n’avait pas fallu moins que les enivremens de toutes les classes au temps de la régence et sous le règne de Louis XV pour que les héritiers d’une si sage méthode en vinssent à la répudier sans scrupule. David eut le grand mérite de rompre en visière avec ces décorateurs d’opéra ou de petites maisons. Il régénéra la peinture sans pour cela y introduire un élément absolument nouveau. En un mot, lui et les hommes imbus de ses principes confirmèrent des progrès appartenant à d’autres époques et retrempèrent à ses vraies sources l’art français, faussé dans ses formes aussi bien que dans son génie. Les excès survenus depuis lors n’ont pu anéantir les effets de cette réaction salutaire. Le bien qu’elle devait amener subsiste, même aujourd’hui, malgré tant de dangereux efforts en sens opposé, malgré la servilité ou la maladroite obstination des copistes et le zèle révolutionnaire de leurs ennemis. À examiner de près les résultats, le mouvement imprimé par David à la marche de l’école semble n’avoir été ni suspendu, ni même ralenti par ces résistances successives de l’esprit stationnaire ou anarchique. On a pu tour à tour reproduire à satiété les surfaces de la manière du maître, ou la contredire au moyen d’œuvres tout aussi superficielles sans être beaucoup plus originales ; mais, dans la première période, il faut distinguer des imitateurs à courte vue ceux qui surent pénétrer au-delà du fait et comprendre le sens même des exemples qu’ils se proposaient ; dans la seconde, il n’est pas moins juste, en réprouvant les aberrations du gros des sectaires, d’accepter certaines réformes légitimes, certains progrès accomplis par les chefs de la faction romantique, comme on disait alors. À quoi bon d’ailleurs revenir à ces distinctions de partis, à des catégories détruites, à des mots vides de sens aujourd’hui ? David n’a plus maintenant ni séides, ni adversaires. Sa cause a cessé de se confondre avec celle d’un classicisme suranné ; son nom ne peut plus servir d’enseigne aux apologistes ou aux détracteurs de la foi académique. L’école est aussi bien guérie, en ce qui le concerne, de la manie d’imitation que des fiévreuses injustices auxquelles elle s’abandonna ensuite ; toutefois elle subit encore, sans vouloir peut-être se l’avouer, les conséquences lointaines de la venue de David. On n’en est plus depuis longtemps à copier avec une respectueuse niaiserie le style du maître, à se morfondre dans des essais tout matériels pour s’assimiler sa pratique ; mais on a fini, volontairement ou non, par admettre ses principes, quitte à les interpréter suivant les besoins actuels et à en modifier à certains égards l’application.

Deux faits principaux ressortent de la situation où se trouve l’école française depuis quelques années : l’étude de plus en plus attentive de la nature, l’intelligence plus pénétrante que jamais de l’antiquité