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offices, etc. Ma chambre était située au sommet d’un escalier découvert et donnait sur les jardins; elle était de plain-pied avec les terrasses, qui forment les toits des maisons en Orient, et sur lesquelles, dans la saison chaude, on transporte les lits.

Le consul était un jeune Arabe de Latakié, parlant fort bien l’italien et ayant d’aussi bonnes façons qu’un vrai gentleman anglais. Doux, intelligent et actif, il exerçait une assez grande influence sur les Druses aussi bien que sur les fellahs et les Ansariés des environs, et il n’employait cette influence qu’à calmer les passions violentes des populations, à entretenir ou à ramener la paix entre celles-ci et le gouvernement. Le jour même de mon arrivée (je ne précédais les troupes ottomanes que de quelques heures), il avait reçu une lettre du chef de la tribu révoltée, qui se déclarait prêt à entrer en arrangement avec l’administration impériale et à accepter les conditions que le consul jugerait convenable de lui proposer. Le jeune médiateur était heureux de son succès, dans l’intérêt du pays et de la paix d’abord, et ensuite parce qu’il espérait qu’on lui en saurait gré à Constantinople.

Quoique fort jeune, le consul était marié en secondes noces à une veuve qui semblait à peine sortie de l’enfance. Cette charmante jeune femme portait le gracieux costume des femmes de la Syrie. Ce costume fait vraiment honneur au goût exquis des Syriennes. Une robe en soie de couleur claire, rosé, bleu-de-ciel, lilas, vert tendre, taillée à peu près comme une robe de chambre d’homme, ouverte devant et fendue sur les côtés, laisse le sein presque entièrement à découvert. Cette robe de chambre descend jusqu’à la cheville et traîne par derrière ; mais ces dames en relèvent ordinairement la queue, qu’elles attachent avec une épingle; puis elles retournent les deux parties de devant, et les attachent aussi par des épingles sur la partie déjà retroussée. De larges pantalons bouffans, et serrés autour de la cheville, montrent leurs plis soyeux à travers les diverses ouvertures de la robe. Une large écharpe des Indes ou de soie brochée entoure la taille au-dessous du sein, qui n’est guère voilé que par une chemise en gaze de soie aux longues manches pendantes. Un corsage parfaitement collant, brodé d’or ou de perles, et ouvert sur le sein comme la robe de chambre, complète cet ajustement. Les cheveux nattés tombent aussi bas que la nature ou l’art le permettent; la tête est recouverte d’un fez orné de perles. Voilà pour l’ensemble du costume; mais que dire des accessoires? Qui a jamais compté les milliers de petits boutons, les mètres de ganse et de soutache dont la robe de chambre, les pantalons et la chemise sont garnis, — les chaînes, les broches, les fermoirs, les bracelets accumulés sur ces bras, ces poitrines et ces cous de cygne? Le fez même qui sert de