Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/806

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de rendre le passage le moins désagréable possible. On s’arrange pour que l’heure du transbordement coïncide avec l’heure d’un repas qui attend les convives sur les bateaux. De plus, des rails conduisent les wagons de bagages jusqu’au pont du steamer, tandis que les voyageurs traversent une galerie couverte aboutissant aux salles inférieures. Le transbordement ne dure pas plus de cinq minutes[1].

Les lignes ferrées atteignent souvent, aux États-Unis, des longueurs prodigieuses, des longueurs sans égales dans aucun autre pays du monde. Le railway nommé l’Illinois central, dont nous avons parlé, et qui appartient à cet état de l’Illinois admis dans la confédération en 1818 avec 80,000 habitans, et où l’on en compte aujourd’hui plus de 850,000, l’Illinois central, avec ses embranchemens, n’a pas moins de 1,176 kilomètres. Partant du confluent du Mississipi et de l’Ohio, il va, en se bifurquant, toucher sur plusieurs points de la frontière septentrionale de l’état, qu’il traverse du côté de l’Iowa et du Wisconsin. L’état de New-York possède une voie ferrée de 1,000 kilomètres, le Central railway, qui se dirige, par Albany, Rome, Syracuse, Palmyre et Rochester, sur Buffalo, aux bords du lac Erié, et que divers embranchemens rattachent au lac Ontario. Le chemin direct de New-York à Érié compte 747 kilomètres d’étendue, sans parler du prolongement jusqu’à Chicago, qui en accroît énormément les proportions[2]. Dans le Maryland commence un chemin de 790 kilomètres, de Baltimore à Whaling sur l’Ohio, et qui traverse la chaîne des Alleghanys au moyen de plans inclinés. Les chemins de 300 à 600 kilomètres, c’est-à-dire des chemins comme ceux de Paris à Dunkerque, à Nantes, à Strasbourg, à Lyon ou à Bordeaux, sont trop multipliés pour qu’il soit possible de les mentionner ici. La Pensylvanie, qui se fait remarquer bien plus par le grand nombre de ses railvays que par la longueur de chacun d’eux, a cependant une ligne de 367 kilomètres, qui porte le nom de Pennsylvania railway.

L’alliance de compagnies différentes permet d’accomplir des trajets bien plus longs encore sans quitter le chemin de fer. L’exemple le plus étonnant de ces combinaisons a pour objet d’ouvrir une ligne continue entre l’extrémité septentrionale et l’extrémité méridionale de la confédération, entre le

  1. On ne craint pas de construire des chemins de fer en concurrence avec les fleuves sur lesquels la navigation à vapeur est la plus rapide et la plus perfectionnée, surtout lorsqu’il s’agit de fleuves comme ceux du nord, où les glaces de l’hiver interrompent toute circulation. Pendant que les chemins de fer se multipliaient de 1830 à 1850, la navigation à vapeur n’en avait pas moins pris de prodigieux développemens dans l’intérieur de la confédération. Un document statistique publié en Amérique estimait en 1852 le nombre des steamers naviguant sur les rivières et les lacs de l’ouest et du nord-ouest à 1,400, et la valeur des transports effectués par année à 2 milliards 937 millions de francs.
  2. Pris dans son ensemble, le chemin de New-York à Chicago sur le lac Michigan est un des plus grands ouvrages exécutés en Amérique. Les travaux présentaient sur beaucoup de points des difficultés effrayantes. On voit sur cette ligne un pont de bois qui a 184 pieds de haut, et une seule arche dont l’ouverture est de 265 pieds. Commencée en 1832, la construction de ce grand ouvrage a duré plus de vingt ans. C’est là une des lignes qui s’étaient le plus profondément ressenties des vicissitudes financières des compagnies et des états.