Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/895

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
L'EXIL


DE


LA JEUNE-IRLANDE




Jail Journal, or five years in British Prisons, by John Mitchell, New-York 1854.





En l’année 1848, alors que tous les trônes tremblaient et que toutes les races s’agitaient, il y eut en Irlande une velléité de révolte sur-le-champ réprimée. Cette tentative révolutionnaire passa pour ainsi dire inaperçue. Nul ne s’inquiéta du sort de l’Irlande, nul n’eut une larme de pitié pour ces transportés, dont l’un était le descendant des anciens rois du Munster. Les catholiques eux-mêmes, le seul parti qui de notre temps ait montré pour l’Irlande de vives sympathies, ne s’émurent pas. Faut-il attribuer cette indifférence à l’état de confusion dans lequel l’Europe était plongée ? Sans doute les redoutables événemens qui s’accomplissaient alors pourraient suffire à expliquer cette distraction de l’esprit public. Malheureusement pour la triste terre des vertes collines, l’insouciance de l’Europe à son égard tient à des causes plus profondes. Ici et là seulement quelques individus élèvent la voix en sa faveur au milieu d’un public froid et affairé, qui écoute à peine le récit de ces misères sans nom, et cependant l’état de l’Irlande est une honte pour l’Angleterre, un scandale pour l’humanité. D’où vient donc cette indifférence ?

Elle a deux causes principales. En premier lieu, le voisinage de l’Angleterre fera toujours le plus grand tort à sa pauvre sœur Cendrillon, qui, les yeux pleins de larmes et fixés sur son foyer sans