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Louis XIV devint et resta français jusqu’au dernier jour de sa vie. Sa régence fut une lutte continue contre l’Espagne, et commença par la victoire de Rocroy pour finir par celle des Dunes.

Durant la vie de Louis XIII, la régente avait été en accord public ou secret avec tous les ennemis de Richelieu ; au lendemain de son avènement, elle remet la direction de toutes les affaires à l’homme qui représente aux yeux de tous la pensée du gouvernement précédent. La duchesse de Chevreuse, chassée de France pour son dévouement à la reine et qui porte depuis si longtemps dans toutes les cours de l’Europe ses intrigues et ses espérances, ne retrouve à son retour de l’exil au cœur de sa souveraine que froideur, réserve et soupçon. Les princes de Vendôme, ces amis si chers aux jours d’épreuve, voient toutes leurs prétentions repoussées, toutes leurs demandes éludées, parce qu’on craint de blesser les hommes du règne qui vient de finir, et parce qu’on ne veut pas surtout dépendre de ceux qui annoncent l’intention de peser sur le règne qui va commencer. Le duc de Beaufort, objet de toutes les complaisances de la reine, ce prince longtemps proscrit, auquel elle avait commis durant l’agonie du roi la garde de ses enfans, voit changer tout à coup le cœur et l’attitude de la reine : ses conseils ne sont plus demandés ; ses recommandations, de décisives qu’elles étaient, deviennent dangereuses pour ses amis ; la faction des importans, dont il est le chef, gêne d’abord comme une contrariété, irrite bientôt comme un obstacle, et finit par devenir un péril contre lequel on s’arme avec d’autant plus d’empressement que les souvenirs du passé importunent davantage. Stimulé par ses amis et furieux lui-même, Beaufort concerte, dans le boudoir de Mmes de Chevreuse et de Montbazon, l’assassinat de Mazarin, tentative si peu repoussée par les mœurs du temps, que l’un des complices n’a pas hésité à nous en conserver tous les détails[1]. Le hasard seul sauve la vie du cardinal, comme dans des circonstances presque semblables il doit plus tard sauver celle du coadjuteur, son ennemi. Cependant le projet transpire, et désormais les toits sont assez grands pour faire oublier les services. Quelques semaines ont suffi pour consommer cette révolution dans toutes les positions et dans toutes les idées, et le prince qui aux premiers jours de mai commandait à Saint-Germain au nom de la reine va en septembre méditer à Vincennes sur l’ingratitude des rois et les inconvéniens de la présomption.

Quoique l’attachement exalté que Mazarin parvint à inspirer à Anne d’Autriche soit devenu par la suite le principal moyen d’influence employé par ce ministre près de sa souveraine, cet attachement

  1. Mémoires de Henri de Campion.