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Sachetti ayant quitté le théâtre d’une négociation à laquelle avait succédé une rude guerre, Mazarin y fut laissé avec le titre d’internonce, et il y déploya une telle activité et une connaissance si approfondie de tous les intérêts engagés dans cette affaire, qu’il devint l’intermédiaire de toutes les parties et l’agent principal de la paix. Dans l’un des voyages qu’il dut faire en France pour exercer ce ministère de conciliation, il vit le cardinal de Richelieu à Lyon, et le grand ministre conçut l’opinion la plus favorable du jeune diplomate, qui semblait se jouer avec une facilité singulière au milieu des ressorts les plus déliés de la politique italienne. Comprenant toute l’importance d’avoir au-delà des Alpes un agent habile et dévoué, Richelieu gagna Mazarin à la France en ouvrant devant son ambition de magnifiques perspectives. De ce jour-là, Mazarin servit tous les intérêts français dans la péninsule italique avec une habileté et une persévérance qui ne se démentirent jamais. La médiation pontificale n’avait pu amener la paix ; mais, retourné sur le théâtre des opérations militaires, l’internonce y reprit son œuvre avec la persistance qui fut le trait particulier de son caractère dans toutes les occasions de sa vie. Étant parvenu à inquiéter successivement le général français et le général espagnol sur les forces respectives qu’ils avaient en face l’un de l’autre, il réussit, après de longs efforts, à leur faire enfin signer une trêve, et pour la notifier aux deux armées prêtes à en venir aux mains, on le vit se précipiter à cheval sur le champ de bataille, déjà sillonné par les boulets. Cette trêve amena l’année suivante le traité de Cherasque, que Mazarin eut l’honneur de négocier. Peu à peu il parvint à changer les dispositions du duc de Savoie, et provoqua la cession de Pignerol à la France.

À partir de ce jour, il fit une rupture éclatante avec l’Espagne, dont il était né le sujet. La France eut de son côté à lui payer une dette véritable à laquelle Rome ne refusa pas de s’associer. Ce fut alors que pour se mettre en mesure de suivre le cours de sa fortune, auquel l’état militaire était un obstacle infranchissable à la cour pontificale, Mazarin prit l’habit ecclésiastique, sans s’engager d’ailleurs dans les ordres sacrés, auxquels il demeura étranger jusqu’au dernier jour de sa vie. Urbain VIII le nomma vice-légat à Avignon, et bientôt après nonce extraordinaire en France. Mais le bon vouloir du souverain pontife pour Mazarin allait s’affaiblissant de jour en jour sous l’influence des agens espagnols. Lorsque Richelieu demanda pour lui le chapeau de cardinal destiné au père Joseph, et que la mort du célèbre capucin laissait vacant, il rencontra, sinon un refus qu’il aurait été dangereux d’opposer à un tel homme, du moins des hésitations et des retards que Mazarin ne pardonna jamais au pontife. Cependant, aux premiers jours de 1642, Louis XIII put décorer