Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moins nous entrevoyons un des principaux procédés mis en œuvre par la nature pour créer, développer, maintenir et détruire.

Quelques granulations à peine visibles sous les plus forts grossissemens, ou même une seule utricule moins épaisse que la pointe de la plus fine aiguille, voilà ce que sont à l’origine les germes végétaux ou animaux, graines, bourgeons, bulbilles ou œufs. Ainsi commence le chêne comme l’éléphant, la mousse comme le ver; telle est certainement la première apparence de ce qui plus tard sera un homme. Entre ces points de départ et ces points d’arrivée, on comprend tout ce qu’il doit exister d’intermédiaires, et quel immense champ de recherches s’ouvre ici pour l’observateur. Entièrement semblables au début, il faut que toutes les espèces animales ou végétales se différencient et acquièrent leurs caractères propres. Chacune d’elles présentera donc des faits particuliers à découvrir. C’est à la conquête de ce monde de phénomènes que la science moderne a marché d’abord un peu à l’aventure et comme à tâtons, puis d’un pas de plus en plus ferme, au point d’avoir pu reconnaître, sinon les lois absolues, du moins les tendances générales du développement. Retracer ici cet ensemble de faits et d’idées, même en nous bornant à la zoologie, ce serait vouloir dépasser de beaucoup les bornes naturelles de ce travail; mais parmi les questions que les études récentes ont éclairées d’un jour tout nouveau, il en est une, celle des métamorphoses, que connaissent au moins par son titre la plupart des esprits cultivés, et c’est sur elle que nous voudrions appeler un moment l’attention du lecteur.


Le mot de métamorphose a été pris longtemps dans une acception à la fois restreinte et peu précise. On désignait par là les changemens très considérables subis après l’éclosion par quelques animaux, par les insectes en particulier. On faisait ainsi de ces changemens un groupe de phénomènes à part et presque entièrement distincts de ceux que présente la formation des embryons dans l’œuf des espèces ovipares. A plus forte raison les regardait-on comme ayant tout au plus quelque bien lointaine analogie avec ceux qu’on observe dans le développement des espèces vivipares. Enfin le terme de métamorphose s’appliquait à peu près exclusivement aux modifications soit de la forme extérieure, soit de quelque grand appareil influant d’une manière directe sur le genre de vie de l’animal. C’étaient là de graves erreurs. La nature d’un phénomène ne change pas avec le lieu où il doit s’accomplir, avec son plus ou moins d’étendue, — et pour se passer à l’abri d’une coque ou dans le sein de la mère, pour ne frapper qu’un seul organe ou porter sur le corps entier, les changemens de forme et de fonction ne perdent rien de leur essence. Tous ont pour