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la civilisation romaine. Le fond de cette civilisation, ce fut le génie agricole, guerrier, religieux des Latins.

Les peuples montagnards contre lesquels Rome soutint si longtemps de si rudes guerres, les Sabins, les Volsques, les Samnites, ne paraissent pas avoir foncièrement différé des Romains ; leurs langues appartenaient à cette famille des langues italiotes qu’on rencontre partout dans la péninsule, excepté en Etrurie, et dont le latin faisait partie. Le peu de mots que l’on connaît de ces idiomes montagnards sont en général des mots latins. Il y a plus, telle expression latine qui ne se retrouve plus dans l’italien parlé à Rome s’est conservée chez les habitans de la montagne. Ainsi de socci (brodequins) s’est formé chocci, nom qu’ils donnent à leurs guêtres de cuir, ce qui les fait appeler par les artistes français, auxquels ils servent souvent de modèles, chauchards. L’analogie du langage de ces peuples avec celui des anciens Romains est encore prouvée par une circonstance digne de remarque : nous ne voyons jamais chez les historiens latins qu’il soit question de truchemens, comme ces historiens ont soin de le dire quand il s’agit des Étrusques. Coriolan n’aurait pas eu le temps et n’eut certainement pas besoin d’apprendre la langue des Volsques pour commander leur armée. Les députés que le sénat envoya aux Samnites après le désastre des fourches caudines et le consul qu’il leur livra n’eurent point à étudier le samnite pour être entendus du peuple et des soldats ; ils furent aussi bien compris que le serait aujourd’hui un Romain dans les Abruzzes. Des deux côtés, les noms propres sont souvent les mêmes et ont toujours également la physionomie latine. Plusieurs familles venues du dehors, les Claudius, par exemple, de la Sabine, ne sont pas celles où s’est montré le moins énergiquement ce qu’il y a de plus saillant dans le caractère romain. Je le répète, rien dans les noms, les institutions, la religion de ces peuples ne paraît différer des mœurs, des institutions, de la religion romaines. Leurs cités guerrières se gouvernaient elles-mêmes ; ainsi que Rome, elles avaient des magistratures analogues, quelquefois identiques. Il est parlé de leurs consuls, de leurs dictateurs, et le mot imperator se retrouve, un peu contracté seulement, dans l’embratur des Volsques.

Ces peuples aussi semblent très religieux, et l’on ne voit pas chez eux de traces d’une autre religion que l’ancienne religion latine. Les Romains commencèrent de très bonne heure et continuèrent très tard à être en commerce religieux avec les Latins. Dès le règne de Servius Tullius, on voit les deux peuples élever un temple en commun sur le mont Aventin, et au milieu du VIe siècle de Rome les députés de cette ville se réunissaient encore à ceux de quarante-six autres villes sur le mont Albain, dans le temple de Jupiter Latiaris,