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14,115 avaient subi une condamnation;
6,529 — deux —
3,743 — trois —
2,374 — quatre —
1,628 — cinq —
1,120 — six —
784 — sept —
587 — huit —
425 — neuf —
1,700 de dix à trente et même davantage.

Il y a donc des criminels d’habitude qui sont blasés sur la prison, comme ces ivrognes qui ne trouvent plus de goût au vin, et M. le garde des sceaux, après avoir ajouté d’autres chiffres à ceux qui précèdent, a pu dire avec raison : « Ces chiffres disent bien haut le peu d’efficacité de notre système de répression en même temps qu’ils proclament la nécessité pour la société de prendre des mesures sérieuses contre ces hommes qui se font un jeu de promener par toute la France leur audacieux mépris de la loi. » Qu’espérer, après de tels aveux, des moyens de douceur et de moralisation proposés par M. Bérenger? Il est évident que ces moyens n’auraient d’effet que sur un nombre imperceptible de condamnés, que les crimes contre les personnes trouveront la plus efficace des répressions dans l’application des condamnés aux travaux agricoles, et qu’une intimidation énergique est le seul moyen de contenir les voleurs, petits ou grands.


IV.

M. Bérenger serait passé à côté de son but, si, en constatant la progression accélérée du nombre des crimes et des délits, il n’avait pas cherché à remonter à la source du mal. Sans aller jusqu’à prétendre que les prisons soient, pour emprunter un mot qui a fait fortune, l’expression de la société, il a demandé compte avec raison à l’état de celle-ci de l’accroissement funeste du nombre d’hommes qu’elle envoie devant la justice criminelle. Il a constaté par des recherches curieuses que presque tous les auteurs de crimes politiques sous la monarchie de 1830 étaient des esprits malades, troublés par la lecture d’écrits insensés, tels que les œuvres de Saint-Just, l’exposé des doctrines de Babeuf, ou les tristes romans d’alors, et par la monomanie de leur importance personnelle. Si ses études s’étaient étendues jusqu’à la révolution de 1848, elles auraient atteint un bien plus haut degré d’intérêt. Il aurait fallu expliquer comment quelques poignées d’hommes sans mission ont pu bouleverser un grand état, lui faire accepter des institutions inconciliables avec le caractère de sa population, et être renversés à leur tour avec