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ans peut-être en arrière de notre comput, et qui finit plusieurs siècles avant la dix-huitième dynastie, car nous ne pouvons assigner la durée des rois pasteurs en présence de l’incertitude des chiffres de l’Africain et d’Eusèbe. Ce qui paraît seulement probable, c’est que cette domination étrangère n’a pas duré moins de trois à quatre siècles. Josèphe, dans son Traité contre Apion, coupe le règne de ces rois pasteurs en deux périodes, la première allant depuis leur établissement jusqu’à la guerre que commençaient à leur faire les rois égyptiens de la Thébaïde, la seconde se terminant par leur expulsion ; il n’assigne pas moins de 511 ans à la durée de la première période. Nous ne savons rien des premiers souverains qui ont régné sur l’Égypte. Les plus vieux monumens que nous puissions interroger nous apprennent bien peu de choses sur ces patriarches de la monarchie égyptienne ; nous en sommes réduits à nous guider sur Manéthon et Ératosthène. Ce dernier avait composé un canon chronologique dont un fragment nous a été conservé, fragment qui, d’après la remarque de M. Bunsen, est la clé chronologique des douze premières dynasties. Les Égyptiens faisaient commencer leurs listes royales par des personnages tout mythologiques. Les premiers rois s’étant confondus avec les dieux et recevant comme tels un culte, on peut avoir quelque doute sur leur réalité historique. Les monumens n’apparaissent qu’à partir de la troisième, de la quatrième et de la cinquième dynastie ; mais nous sommes alors arrivés à une époque de véritable civilisation. La société égyptienne est déjà constituée avec tous les élémens de force et de grandeur qui lui ont valu l’admiration des Grecs. C’est l’âge des pyramides de Giseh, dont les fondateurs, Choufou et Chafra, ont laissé gravés en plusieurs endroits leurs cartouches. Le nom du premier de ces pharaons a été retrouvé à l’intérieur de la plus grande pyramide ; c’est le roi qu’Hérodote nomme Chéops, tandis que Chafra est appelé Chephren par l’historien grec, qui s’est du reste étrangement mépris sur la place que ces monarques occupaient dans la chronologie égyptienne.

Comment s’était fondée cette étonnante monarchie, qui semble être arrivée si vite à un degré remarquable de puissance et de grandeur ? Était-ce l’œuvre de conquérans étrangers qui, venus de l’Inde ou de la Chaldée, apportèrent aux peuples de l’Afrique leur civilisation et leurs lumières ? C’est ce que l’on ignore encore aujourd’hui. Une observation cependant tend à nous faire croire que la société égyptienne ne devait point à des influences étrangères le principe de ses institutions et la source des progrès rapides accomplis sous ses premiers rois : c’est que partout où l’on rencontre un sol naturellement fertile, et la culture d’une céréale assurant l’existence d’un grand nombre, on voit que l’humanité a atteint de bonne heure un état fort avancé de civilisation. Les bords du Nil ne font que présenter un spectacle qu’on observe également sur ceux de l’Euphrate, de l’Indus et du Hoang-Ho. Les débordemens périodiques de ces fleuves rendent l’agriculture facile et féconde, le blé ou le riz fournit à une population nombreuse une alimentation abondante, et c’est précisément là qu’on trouve le berceau des premières grandes sociétés ; c’est sur ces sols d’alluvions que germent les plus anciennes nations de la terre : les Égyptiens, les Assyriens, les Hindous, les Chinois.