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IIII. — ART, RELIGION ET LITTÉRATURE DES ÉGYPTIENS. .

On ne pouvait étudier les monumens de l’Égypte pour en déchiffrer les inscriptions sans être frappé des différences qu’ils présentaient sous le rapport de l’exécution. La connaissance de la chronologie des dynasties permettait désormais de les classer par époques et de juger ainsi des changemens qui s’étaient opérés dans le goût et le style sous les différens règnes.

Dès la cinquième dynastie, qui avait pour capitale Memphis, comme celle qui l’avait précédée, l’art égyptien avait atteint un degré de perfection qu’il n’a guère dépassé depuis. Quand on jette les yeux sur la seconde partie du bel ouvrage de M. Lepsius, intitulé Monumens de l’Égypte et de la Nubie, et où se trouvent réunis les bas-reliefs et les inscriptions hiéroglyphiques des tombeaux qui avoisinent les pyramides de Giseh et de Sakkarah, on est émerveillé de la perfection du style, de la vérité et du naturel des figures, de celles des animaux surtout. Là, les scènes de la vie égyptienne sont représentées avec une richesse de détails qui en fait de vrais tableaux de mœurs. Ce sont des opérations agricoles, des scènes domestiques, des paiemens de tributs et de dîmes, des offrandes aux dieux. Dans les tombeaux de cette époque, réunis dans les localités que je viens de nommer ou qui se rencontrent encore à Abousyr (Memphis) et à Daschour, on n’observe aucun de ces tableaux religieux qui caractérisent les monumens funéraires postérieurs aux pasteurs. Tout est simple, tout est réel dans ces représentations. Le défunt ne tire gloire que des nombreux produits qu’il payait comme redevance au souverain, en échange des biens domaniaux qu’il en avait reçus. Il n’est que rarement question de l’identification du mort avec Osiris, devenue constante sous le nouvel empire, et ce fait, constaté surtout par les fouilles de M. Mariette, est de nature à jeter des doutes sur la date du cercueil du roi Mycérinus, conserve au British Museum, car l’on ne retrouve dans l’inscription de ce précieux monument ni le style, ni les formules archaïques. Tout annonce plutôt une époque de décadence. N’est-il pas possible qu’un roi bien postérieur ait fait exécuter ce monument en l’honneur de Mycérinus? On sait d’ailleurs que la troisième des pyramides de Giseh, dont l’érection est attribuée à ce dernier pharaon, fut refaite sous un des règnes suivans, en sorte que rien ne s’oppose à ce que le cercueil, découvert dans la chambre inférieure de cette pyramide, ne soit d’une époque comparativement moderne.

En poursuivant ces magnifiques fouilles du Sérapéum, M. Mariette a rencontré des monumens datant des premières dynasties égyptiennes, et il nous en a rapporté au Louvre de précieux échantillons. Neuf statues, dont deux sont maintenant exposées dans le musée Charles X, nous montrent quelle était la perfection de l’art à cette époque. Ces figures, qui n’ont rien de la raideur des monumens du second empire égyptien, renversent, on peut le dire, toutes les théories qu’on avait construites sur l’immobilité du style en Égypte. Les couleurs seules, car ces statues sont peintes, rappellent par leur crudité et leur teinte trop uniforme le conventionnel qui préside à la distribution des couleurs sur les hiéroglyphes peints. Il est vrai que sous ce