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de ces moulins sont de véritables édifices qui vont chercher le vent à des bailleurs considérables, d’autres plus petits, construits en brique ou en bois, n’en étalent pas moins un véritable luxe : recouverts d’un manteau de chaume qui les abrite contre la pluie, ils montrent avec orgueil l’axe qui porte les ailes orné de reliefs et de dorures[1]. Cette coquetterie champêtre, ces grandes voiles qui frémissent dans l’air comme les ailes d’oiseaux gigantesques et fabuleux, ce tic-tac mêlé au bruit entrecoupé des eaux, tout cela répand sur la nature si calme de la Hollande un mouvement et un charme qu’on ne peut définir. Ailleurs les moulins, ces mouvemens de la vie pastorale, ne sont guère appropriés qu’à un seul usage ; ici au contraire, ce sont des machines hydrauliques, des scieries, des instrumens de mouture. On voit des polders desservis par un seul petit moulin, on en rencontre d’autres que plusieurs grands moulins travaillent à dessécher. Autrefois on se bornait à débarrasser des eaux superflues les terrains peu bas ; mais depuis que la science a fait des progrès, on met le vent à l’attache pour épuiser même les marais profonds. L’art des polders a fait à la Hollande une seconde nature. Ce pays se trouve placé, sous le rapport agricole, dans des conditions toutes particulières : ailleurs il faut créer les produits du sol, ici il a fallu créer le sol lui-même. Lorsque maintenant on voit cette terre, créée et entretenue par la main de l’homme, se couvrir, l’été, de gras pâturages, de fruits et de légumes, souvent même d’abondantes moissons, on ne saurait trop admirer les conditions de l’art qui ont changé un sol perdu sous les eaux en un jardin de plaisir et de fertilité.

Une des difficultés consistait à maintenir l’équilibre entre les intérêts particuliers des polders et les intérêts généraux du système hydraulique auquel la Hollande doit son existence. Tout cela ne pouvait être réglé que par une administration pourvue de connaissances précises et délicates. Quand on songe que la mer est pour la Hollande un ennemi infatigable, quand on réfléchit à ce réseau de digues, de remparts, de canaux qui se relient entre eux et se rapportent à un système d’unité, quand on calcule les conséquences terribles de la moindre négligence dans un pays où un trou de taupe ou de rat peut mettre en question la sûreté d’une digue et ouvrir le passage aux eaux, on ne s’étonne plus que de tout temps les fonctions du walerstaat aient été considérées comme très importantes. Ces fonctions étaient conférées par les états-généraux et seulement

  1. Il faut voir à Delft, dans la salle des modèle, toutes les modifications, tous les genres de perfectionnement que ces machines à vent sont susceptibles de recevoir. Les grands moulins en pierre servant aux desséchemens profonds coûtent jusqu’à 30,000 forins.