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historique, c’est un fleuve merveilleux, et qui transforme comme par enchantement la nature autour de lui.

Le retour à Jérusalem se fit par un chemin différent de celui qui nous avait si péniblement conduits au Jourdain. Parmi les souvenirs de cette dernière partie de notre excursion, le seul que j’aie gardé est celui d’une heure passée près d’une tour en ruines de construction arabe, au milieu d’un bosquet délicieux. Cette tour s’élève aux abords de la ville de Jéricho, ou plutôt de l’amas d’informes cabanes qu’on appelle ainsi, et qui a remplacé la forteresse renversée par les trompettes de Josué. L’heure de repos que je goûtai sur l’emplacement de l’ancienne Jéricho fut des plus agréables. Notre campement était établi sous des arbres fruitiers, au milieu de frais gazons que les plus beaux parcs d’Angleterre eussent pu envier à la plaine du Jourdain. Ces vertes oasis jetées au milieu des sables sont une des singularités de la terre arabe. L’imagination y évoque involontairement des types poétiques, et voudrait leur créer une population digne d’elles : pourquoi faut-il que l’humanité n’apparaisse guère que sous ses traits les plus misérables en présence de cette grande et magnifique nature?

Le lendemain, revenus à Jérusalem, nous n’avions plus rien à apprendre sur les sites et les monumens de la Terre-Sainte; c’est sur les habitans que notre attention allait se reporter.


III. — LES PROTESTANS ET LES JUIFS A JÉRUSALEM. — LES HOSPICES.

Quand même les sites et les monumens auraient manqué à ma curiosité, j’aurais trouvé à Jérusalem un agréable sujet d’études, — l’hospitalité chrétienne en Orient. C’est au milieu des moines et des sœurs de charité que j’ai passé quelques-uns des meilleurs instans de mon pèlerinage. Les uns me charmaient par leur bonhomie naïve, les autres veillaient avec une maternelle sollicitude sur ma fille, jeune néophyte, que la directrice de cette communauté, aimable et douce femme, jugea digne d’approcher de la sainte table, grand sujet de surprise pour quelques-uns des frères et des sœurs qui me croyaient vouée au culte et à la pratique des doctrines de Voltaire et de Rousseau. Le jour de la première communion arriva, et la cérémonie me parut fort touchante. Le sacrement n’était donné qu’à deux jeunes filles, l’une que je n’ai pas besoin de nommer, l’autre, jeune Allemande, qui venait d’abjurer le protestantisme et à qui l’on commença par conférer le baptême. Le but avoué de cette dernière cérémonie était de faire croire aux simples que les luthériens ne sont pas chrétiens. L’acte n’en était pas moins contraire aux véritables intentions de l’église, qui ne permet un second baptême