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les monumens funéraires qu’a sculptés Bartolini prouvent non moins clairement que ses autres ouvrages les ressources de son imagination et l’habileté variée de son ciseau. Peut-être même est-ce dans les travaux de cet ordre qu’il donne le plus exactement sa mesure, et qu’en accusant le mieux son origine, il laisse voir le mieux aussi en quoi il diffère des anciens maîtres florentins.

La sculpture des tombeaux, nous le disions en commençant, a été dès longtemps pratiquée en Italie avec un éclat incomparable. Toutefois, là comme ailleurs, certaines alternatives se succèdent qui résultent des influences régnantes, de la situation générale où se trouve l’école à mesure que le goût se modifie et par momens s’égare dans la recherche de la beauté païenne. La sculpture funéraire, par ses conditions mêmes et sa destination, est avant tout une manifestation de l’art et de la foi modernes. Les modèles que nous a légués l’antiquité, très précieux en tant d’autres cas, deviennent inutiles quant aux idées, vicieux quant au style, là où il s’agit de consacrer une sépulture chrétienne. Lors donc que les artistes du moyen âge entreprirent d’élever des monumens de ce genre dans les églises et dans les cloîtres, ils eurent tout à créer, tout un ordre de sentimens à définir, tout un système symbolique et décoratif à formuler. Ce système une fois trouvé, plusieurs générations de sculpteurs le continuèrent sans altération fort sensible, et les tombeaux sculptés par les trecentisti et leurs élèves sont conçus et exécutés en vertu d’une méthode à peu près invariable. Le personnage à la mémoire duquel on a dédié le monument est ordinairement représenté, à l’état de portrait, étendu sur un lit funèbre. Des anges soulèvent les rideaux de ce lit ou se groupent autour de l’ogive qui le surmonte, comme pour recevoir l’âme immortelle et bénir le corps qu’elle a quitté. Le reste du monument complète le rapprochement entre cette vie qui vient de finir et cette autre vie qui commence. Les armoiries du mort, des inscriptions à sa louange rappellent le rang qu’il a tenu et la part qu’il a. prise aux affaires humaines : la croix, l’agneau, les pieux symboles font allusion aux promesses évangéliques et à l’éternel repos qu’il a conquis.

Au XVe siècle, on ne se départit pas encore de ce mode traditionnel. Le fond des intentions et l’ensemble architectural restèrent conformes aux données antérieures, mais les détails et le style des ornemens prirent un tout autre caractère. Rien de moins funèbre en apparence que les tombeaux de cette époque, rien qui exprime d’une façon moins sombre la pensée de l’infini, tout dans ces œuvres charmantes respire la délicatesse, la grâce, l’élégance la plus raffinée. Il semble que sous le ciseau de Mino da Fiesole, de Benedetto da Majano et de tant d’autres aimables artistes, les images de deuil