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la terminer ou du moins de lui donner une portée plus sérieuse en rattachant le méfait commis dans l’académie de Florence aux principes qu’une pareille innovation tendait soit à mettre en honneur, soit à ruiner. Malheureusement le long réquisitoire publié par le Diario contre celui qu’il qualifiait sans marchander de « nouvel Érostrate » était au fond très peu concluant. Bon nombre de citations empruntées à Tacite, à Pline, aux poètes latins, force attaques personnelles et très peu d’argumens, voilà ce qu’on opposait comme sauvegarde de l’idéalisme aux envahissemens de la doctrine contraire. L’occasion était belle pour Bartolini de se justifier une fois pour toutes et de définir publiquement ses principes. Il fit insérer dans le Commercio de Florence[1] une réponse « au très anonyme écrivain,» sorte de profession de foi qui résume en même temps ses inclinations et ses idées acquises, sa manière de sentir et sa méthode d’enseignement. Après avoir lestement fait justice de l’érudition littéraire étalée par l’accusateur et de son incompétence en matière d’art, Bartolini vient au fait qui d’un bout à l’autre de l’Italie a soulevé ces mépris ou ces colères : « Sachez bien, dit-il, que l’imitation de la nature est, dans tous les cas, également difficile. Pour moi, je n’ai pas entendu présenter un bossu comme le modèle des proportions et de la beauté humaines, mais j’ai voulu accoutumer les élèves à étudier de près et à comprendre ce qu’ils voient, sans système préconçu, sans préjugés, sans faux idéalisme. J’ai voulu qu’ils apprissent à trouver dans la réalité même les élémens conformes à l’esprit de chaque sujet, qu’ils s’exerçassent à démêler le beau naturel, ce beau que peuvent révéler seulement l’expérience personnelle et l’examen des œuvres où les grands maîtres l’ont si fidèlement exprimé : noble recherche assurément, fort étrangère à l’idéalisme, qui réduirait volontiers les exemples de la nature en règles architectoniques. L’Esope méditant ses fables avait pour avantage de rompre la monotonie des modèles proposés aux élèves, monotonie telle que ceux-ci sont obligés d’adopter le même type pour un Jupiter ou pour un apôtre. Il leur fournissait l’occasion de reproduire des formes caractéristiques. »

Puis, loin de désavouer les paroles qu’il avait prononcées dans sa classe, et que le Diario signalait à la réprobation de tous comme une hérésie esthétique, Bartolini les répète et les commente en face du dénonciateur. « Oui, monsieur, je l’ai dit : tout dans la nature a sa beauté, eu égard au sujet qu’il s’agit de traiter. Oui, je l’ai dit encore, quiconque se sera rendu capable d’imiter pleinement la nature saura tout ce qu’un artiste doit savoir. Les sculptures du Parthénon,

  1. 12 janvier 1842.