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perte de 50 pour 100. Tous les rentiers seront de fait privés de la moitié de leur revenu, tous les fonctionnaires de la moitié de leur traitement.

Distinguons ici entre le présent et l’avenir, entre le fait réalisé et l’hypothèse qu’on présente comme une tête de Méduse à l’imagination des masses.

Dans le présent, il est admissible, mais il n’est pas certain, que l’or joue un rôle direct dans la hausse des prix. S’il a une influence, c’est moins comme monnaie que comme un capital nouveau qui s’est répandu sur tous les marchés en y faisant des commandes étendues. Cette influence au reste est si limitée, que M. Chevalier ne l’a pas chiffrée, et qu’un autre écrivain, plus réservé encore, M. Baudrillard, hésitant à l’affirmer, expose au contraire avec beaucoup de sagacité quelques-unes des causes véritables de la hausse actuelle des prix. Parmi les principales, il faut signaler sans doute celles qui frappent tous les yeux : pour le vin, la destruction d’une partie des vignobles et la stérilité du reste ; pour le blé, l’insuffisance des dernières récoltes ; pour la viande, le ralentissement de la production après la révolution de 1848.

Mais ordinairement, lorsque les prix des subsistances s’élèvent, tous les autres prix s’abaissent, tandis qu’aujourd’hui c’est tout le contraire : la hausse est générale. Telle est l’anomalie qu’il s’agit d’expliquer.

On a remarqué, il y a longtemps, que les prix tendent généralement à s’élever dans les pays où la population est nombreuse et la richesse en progrès, et à rester bas dans les pays à populations stationnaires et clair-semées. La vie, comme on dit vulgairement, est plus chère à Paris qu’à Lyon ou à Bordeaux, plus chère surtout que dans un village du Languedoc ou de la Bretagne. Elle est plus chère en Angleterre qu’en France, quoique les termes de la comparaison tendent beaucoup à se rapprocher depuis une vingtaine d’années. C’est que, chez les nations en progrès, le travail et l’épargne accroissent chaque année le capital ou, si l’on veut, la richesse acquise, et ce capital nouveau, développant les anciennes entreprises ou en créant de nouvelles, vient sur le marché augmenter, quelquefois dans des proportions très considérables, la demande d" la main-d’œuvre et de tous les objets de consommation. L’offre restant d’abord la même, les prix s’élèvent inévitablement, jusqu’au point où cette hausse détermine une production en rapport avec les nouveaux besoins. Les prix devraient alors reprendre leur ancien niveau, et c’est ce qui arrive en effet pour les objets dont le progrès des arts et des sciences diminue les frais de production et dont la matière première est à peu près illimitée ; mais l’expérience montre que, dans les pays en progrès, l’accroissement