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de la richesse tend constamment à élever assez la demande au-dessus de l’offre pour qu’au milieu des oscillations de hausse et de baisse la tendance à la hausse l’emporte toujours. La raison fondamentale de ce phénomène, c’est qu’il y a des produits dont la quantité ne peut être augmentée que par une plus forte dépense, par conséquent par une élévation de prix. Le blé, le vin, sont dans ce cas ; d’autres produits sont absolument limités, et une forte demande les place dans une situation de monopole ; d’autres enfin ne peuvent pas instantanément se proportionner à la demande : il faut plusieurs années pour faire un bœuf à un cheval, il faut des années aussi pour rendre plus productifs de fourrages les champs et les prairies destinés à les nourrir. Mais l’élément qui doit le plus fixer l’attention dans la question actuelle, c’est le prix de la main-d’œuvre ou plutôt du travail de l’homme, depuis l’ingénieur jusqu’au journalier. Si le progrès de la richesse et de l’industrie est, à un moment donné, plus rapide que celui de la population, les ateliers de toute nature auront besoin d’employés instruits et d’ouvriers en plus grand nombre que le pays ne peut en fournir. Les entrepreneurs se les disputeront par des élévations de salaires de plus en plus considérables. Les ouvriers, qui, à cause de leur grand nombre, sont les plus grands consommateurs du marché, accroîtront leur dépense dans la proportion de l’accroissement de leur salaire ; il en résultera sur tous les marchés une hausse considérable sur les subsistances. Cette hausse des salaires et des subsistances, réagissant bientôt sur les frais de production de toutes les industries, augmentera les prix de toutes choses. La hausse sera plus marquée, si à des circonstances naturelles extraordinairement favorables au développement de l’industrie on ajoute l’influence d’excitations artificielles, telles que la formation de grands ateliers de travaux publics, par exemple ceux de la ville de Paris, qui passent pour occuper plus de 100,000 ouvriers ; elle fera des progrès plus sensibles encore si, en présence d’une demande de main-d’œuvre déjà hors de proportion avec le nombre des ouvriers disponibles, des circonstances politiques telles que la guerre viennent encore diminuer le nombre des bras, si comme en ce moment nos flottes retiennent 30,000 ou 40,000 marins et charpentiers du commerce qu’il faut remplacer par des hommes enlevés à d’autres industries, si le recrutement atteint 140,000 hommes au lieu de 80,000, si les libérations du service militaire sont moindres qu’en temps de paix. C’est en effet sous l’influence de toutes ces circonstances réunies que la main-d’œuvre s’est élevée de 10, de 25, de 50 et quelquefois de 100 pour 100, et cette élévation a réagi principalement sur les loyers et les subsistances, déjà très élevés par d’autres causes, sur tous les commerces de détail et sur toutes les choses