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Stockholm, et sa frontière nord-ouest empiète sur le territoire essentiellement suédois ; de plus, le contre-coup de cette perte cruelle est à l’intérieur une révolution. Gustave IV a été plus malheureux encore dans sa lutte contre Alexandre que Charles XII dans sa rivalité avec Pierre le Grand ; il faut reconnaître qu’il a été moins héroïque et tout aussi téméraire.

Certes il est permis de regretter aujourd’hui que les dispositions secrètes de la paix de Tilsitt aient livré à la Russie un avant-poste aussi important que la Finlande, et l’on peut bien estimer que cette fois encore la France n’a pas apprécié sainement ou connu entièrement les avantages que peuvent procurer l’alliance et la coopération des peuples du Nord ; mais on doit avouer que, d’une part, Gustave IV Adolphe avait attiré par ses imprudences la conquête russe, et que, de l’autre, il s’était montré ennemi tellement acharné et violent de Napoléon, que l’empereur n’aurait pas pu le défendre, même s’il avait renoncé à le punir. Tout se tient dans cette déplorable et curieuse histoire des rapports de la Suède avec la Russie : Gustave III, allié de la France, avait maîtrisé les intrigues de la Russie et s’en était fait respecter ; Gustave IV, ennemi de la France, est vaincu par les Russes et renversé par ses propres sujets. Ces deux derniers épisodes, la perte de la Finlande et la révolution de 1809, sont intimement liés entre eux. Ils contiennent d’ailleurs trop d’enseignemens conformes aux vues que nous avons émises sur les conditions politiques généralement imposées à la Suède, et ils sont assez peu connus pour que nous désirions y insister. Nous le ferons à l’aide de documens nouveaux, soit que nous mettions à profit les mémoires récemment publiés en Suède, soit que nous nous servions des documens précieux qui sont conservés dans les archives françaises.


I

Dernier représentant de l’absolutisme en Suède, le roi Gustave IV a exercé, par son seul caractère, une déplorable influence sur les destinées du peuple que sa naissance l’appelait à gouverner. Né en 1778, il fut roi à quatorze ans, mais ne prit le pouvoir qu’à sa majorité, le 1er novembre 1796. Son père l’avait fait élever avec un soin scrupuleux, auquel il sembla de bonne heure avoir répondu, tant il se montrait confiant, pur de mœurs, profondément honnête et loyal. Toutefois il était facile de distinguer que son imagination, mal conduite, n’avait acquis aucune indépendance, et ne s’affranchirait pas des préjugés dans lesquels l’orgueil du rang ou une éducation imprudente par quelque endroit pourrait l’envelopper. Hors un certain goût pour les nobles émotions que procure la musique, ce faible esprit