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Anglais, parce qu’ils sont orgueilleux et impertinens ; je les mettrai bien à la raison. On veut, en m’effrayant, me faire conclure la paix ; mais je montrerai que je n’ai peur de personne,… pas même de vous, monsieur le baron… » Et le roi fit un pas vers Ebrenheim en lui mettant le poing sous le visage. « Je prie votre majesté, répondit tranquillement le conseiller, d’être convaincue que mon intention n’a jamais été de l’effrayer, mais seulement de remplir un devoir en lui montrant le danger auquel elle expose la nation, la famille royale et elle-même. — Je suis fatigué de tout cela, reprit le roi avec la même violence et en marchant à grands pas, je n’entends parler que d’ennemis et de dangers ; eh bien ! je mourrai, mais je veux mourir avec honneur… » Tout à coup il s’arrêta, et se tournant vers Ehrenbeim : « Vous parlez toujours devant moi de la nation et de ses droits,… eh ! que signifie votre nation à côté de mon honneur ? Elle sera punie, cette nation, de sa conduite envers mon père… »

Ehrenheim put seulement obtenir la révocation de l’embargo sur les navires anglais et l’acceptation des subsides sur le pied des années précédentes. L’arrivée de la flotte britannique dans les Belts empêcha seule probablement une invasion de l’armée France-espagnole qui était arrivée en Holstein dès le 1er mars. Dès le mois de mars enfin, le prince Christian d’Augustenbourg était passé en Norvège pour reprendre la défensive, et menaçait d’envahir lui-même la Suède par le nord-ouest. Ajoutez les progrès rapides que faisaient les Russes en Finlande. Que Napoléon ait ou non donné ordre[1] à Bernadotte, qui se trouvait en Danemark avec 20,000 hommes, d’aller déposer Gustave et opérer le démembrement de la Suède entre le Danemark et la Russie, il n’en est pas moins certain qu’une pareille issue était imminente ; la Suède, envahie à l’est par les Russes, à l’ouest et au sud par les Danois et les Français, allait certainement périr sans la révolution du 13 mars 1809.


II

L’obstination de Gustave à ne point traiter avec la France et le ressentiment que laissa dans les cœurs des Suédois la perte de la Finlande, voilà quelles ont été les causes extérieures de la révolution de 1809. Il nous reste à voir comment fut amenée à l’intérieur et comment s’accomplit la journée du 13 mars.

Les premières années du nouveau règne avaient paru, malgré quelques fautes, assez rassurantes pour l’avenir ; mais on avait remarqué,

  1. Voyez l’ordre adressé au prince de Ponte-Corvo en date du 23 mars 1808, dans les Mémoires de Constant.