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il est, et le conduire à l’utile par l’amusement, ou, comme disait si bien M. de Chateaubriand, à la réalité par les songes.

Essayons quant à nous de nous rendre compte des enseignemens sérieux qu’apporte avec elle une exhibition de cette importance. Je n’aborderai que les idées les plus générales ; s’il fallait entrer dans les détails, nous n’en finirions pas. Ce n’est pas d’ailleurs une petite affaire que de se tenir aujourd’hui au courant de cette science nouvelle et grandissante qu’on appelle la zootechnie. Mon ancien collègue à l’Institut national agronomique, M. Baudement, dont cette science est la spécialité, et qui la cultive avec un grand esprit d’observation, peut seul en parler en pleine connaissance de cause. Je ferai le moins possible excursion dans son domaine, et je chercherai surtout le côté économique du sujet, qui m’est le plus familier.

La zootechnie est avant tout une division de la physiologie. Elle recherche comment il faut s’y prendre pour faire avantageusement de la viande, du lait, de la laine, de la force vivante, de l’agilité, enfin tout ce qu’on demande aux diverses espèces animales. Elle doit étudier les fonctions de la respiration, de la digestion, dans toutes les situations données, avec leurs effets sur la production. Elle a besoin d’immenses travaux anatomiques, pour constater positivement l’influence des conditions extérieures sur les organes, et l’action spéciale de chaque organe sur chaque produit déterminé. Dans les conditions extérieures sont comprises, avec les climats et les soins hygiéniques, toutes les variétés d’alimentation ; de là des études de physiologie végétale très compliquées, pour connaître la nature et l’effet de chaque aliment. On peut pressentir par là le nombre et la gravité des problèmes que la zootechnie se pose, et dont la solution profitera quelque jour à l’espèce humaine, car il y a de grands rapports entre l’animal et l’homme ; on doit comprendre aussi quelle réserve il convient de s’imposer pour en parler, quand on n’est pas soi-même physiologiste.

Si l’exposition avait été véritablement universelle, ce n’est pas un coin du Champ-de-Mars, c’est le Champ-de-Mars tout entier qui aurait à peine suffi pour la contenir. La seule Europe renferme peut-être cent races distinctes de bêtes à cornes et un nombre plus grand encore de races ovines ; la France à elle seule en possède un quart ou un tiers, quoiqu’elle soit loin d’occuper une place correspondante sur la carte. Depuis le petit bœuf du Morvan et la petite vache bretonne jusqu’aux colosses du Cotentin ou de l’Agenais, depuis le mouton rabougri des Landes ou des Ardennes jusqu’au flandrin et au mérinos perfectionné, nous avons une variété de types suffisante pour offrir à l’observation un champ indéfini. C’est qu’en effet les races d’animaux domestiques, souples et malléables comme Dieu