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souvent transitoire, j’en conviens, comme la situation qui les provoque, mais qui peut aussi devenir fixe et permanente par la création d’une sous-race, quand les circonstances s’y prêtent, c’est-à-dire quand les deux familles qu’il s’agit d’accoupler ont entre elles des affinités suffisantes pour s’allier intimement.

On dit que des raisons physiologiques s’opposent à la fusion réelle et profonde des races, et que si un individu né d’un premier croisement présente en apparence un terme moyen entre le père et la mère, ce n’est pas une raison suffisante pour le croire apte à fonder une sous-race réunissant toujours les mêmes caractères. L’expérience prouve en effet que cette création rencontre des difficultés ; l’influence des aïeux est si puissante qu’elle reproduit purement et simplement la plus ancienne des deux races après deux ou trois générations issues d’un seul croisement ; et, ce qui est pire encore, le mélange des germes amène souvent des résultats monstrueux qui déconcertent tous les calculs. Que conclure de ces observations ? Qu’il faut être très prudent avant de rien entreprendre de pareil ; mais de ce que le métissage est difficile, je ne puis en conclure qu’il soit impossible. Les races les plus fixes et les plus précieuses ; comme celle des bœufs courtes-cornes eux-mêmes, sont les produits d’un métissage bien fait. Autrefois on croisait à tort et à travers, sans savoir précisément ce qu’on voulait faire ; on est un peu plus avancé aujourd’hui : c’est une raison pour qu’on réussisse plus souvent. Il est d’ailleurs à remarquer que les adversaires du métissage ne proscrivent pas les croisemens en général ; ils admettent les bons effets d’un premier croisement, ce qui est déjà considérable, et ils recommandent l’absorption d’une race inférieure par une supérieure, au moyen de l’emploi continu de mâles de la seconde ; ils ne contestent que la formation de races intermédiaires, ce qui est en effet chanceux.

Dans le nord-ouest, où la race bovine est généralement exclue du travail, on peut, je crois, introduire à peu près partout le sang durham avec avantage. Je dirai même que, dans beaucoup de cas, j’aime mieux le croisement que la race pure ; le durham a d’éminens avantages, mais il a un défaut, surtout pour nous Français : sa viande est d’une qualité inférieure et trop chargée de graisse. Quand il perdrait un peu de sa précocité pour gagner une saveur plus appropriée à nos goûts, il n’y aurait pas grand mal. C’est ce qu’on obtient par des croisemens avec les races qui donnent chez nous les meilleures qualités de viande. — Quant à nos espèces du midi, à celles de montagne et en général à celles qui travaillent, c’est tout autre chose. Il est bon d’y regarder à deux fois avant de les croiser. C’est là surtout que l’entreprise du métissage me paraîtrait illogique et dangereuse ; tout au plus peut-on essayer, quand on se trouve dans