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des circonstances exceptionnelles, d’un premier croisement. Le plus sûr est de s’en tenir à la race locale, en l’améliorant autant que possible par elle-même, c’est-à-dire en se servant de reproducteurs de choix. Il faut se garder d’altérer mal à propos le tempérament nécessaire à la principale destination des animaux par un mélange avec des races molles et lymphatiques créées pour d’autres besoins.

Cette réserve faite, la part qui reste chez nous à la race de durham est encore belle. Elle peut s’implanter dès à présent dans un quart de la France, soit comme race pure, soit comme source féconde de croisemens et de métissages, et dans l’avenir elle pourra pénétrer partout où le travail de l’espèce bovine reculera. Elle promet d’augmenter notablement notre production en viande de boucherie. Sans les établissemens de l’état, tels que le Pin, le Camp, l’Institut agronomique, elle aurait été plus lente à se répandre ; c’est un service important que l’agriculture française doit à ces établissemens, et qui prendra rang un jour à côté de ceux qu’a rendus dans d’autres temps la bergerie nationale de Rambouillet.

Auprès des durham, les autres races bovines anglaises perdent beaucoup de leur intérêt. Celles de Hereford et de Devon étaient représentées à l’exposition par une trentaine d’animaux presque tous venus d’Angleterre. C’est lord Berwick qui a en le prix des hereford et M. George Turner celui des devon ; ces deux éleveurs sont en effet aujourd’hui les premiers de l’Angleterre pour ces deux races, et remportent les prix dans les concours nationaux. Comme importation, elles ont l’une et l’autre peu de succès, et je ne crois pas qu’elles soient destinées à en avoir jamais beaucoup ; mais comme exemples, elles méritent l’attention, en ce qu’elles montrent comment d’anciennes races de travail, qui ne sont pas toujours dans les meilleures conditions d’alimentation, peuvent être transformées, par des soins persévérans, pour acquérir presque des qualités égales à celles des durham. Il n’existe pas de meilleurs modèles ; ceux de nos éleveurs qui ont entrepris d’améliorer nos races par elles-mêmes, n’ont rien de mieux à faire que d’étudier et d’imiter. J’en dirai autant de la race noire sans cornes, dite d’Angus, que représentait on magnifique animal envoyé par lord Talbot ; on a donné un prix à lord Talbot pour cette unique tête, et on a eu bien raison.

Comme on voit, les Anglais eux-mêmes ne mettent pas partout du sang durham. Ils ont conservé un petit nombre de races locales qui se perfectionnent et se développent à part. Depuis quelque temps, les durham gagnent du terrain ; presque partout, même en Écosse, on commence à les voir pénétrer dans des contrées qui leur avaient été fermées jusqu’ici, à mesure que le high farming fait des progrès. Néanmoins on peut affirmer que de longtemps ils n’envahiront la Grande-Bretagne