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guère s’améliorer par des croisemens. C’est surtout à propos de l’espèce ovine qu’il faut savoir se contenter de ce qui est possible. Parmi nos variétés indigènes, il en est beaucoup dont le mérite principal, comme pour la vache bretonne, consiste à tirer parti des plus maigres pâturages. Celles-là demandent à être examinées et primées à part. Si elles ne sont remarquables ni par la taille ni par la laine, elles ont quelquefois un mérite qu’il ne faut pas dédaigner, la qualité de la viande. Les Anglais vantent avec beaucoup de raison leurs races énormes et précoces, faites pour nourrir abondamment les populations ouvrières ; mais ils savent rendre justice au mouton du pays de Galles, qui n’est ni plus gros ni mieux fait que nos ardennais ou nos solognots : un gigot gallois se paie aussi cher qu’un gigot dishley, quoiqu’il pèse beaucoup moins. Est-ce que nous n’estimons pas, nous aussi, nos moutons dits de présalé ? Paris mange la meilleure viande de bœuf et de veau qui soit au monde, mais la viande de mouton y est mauvaise généralement, parce qu’elle provient de vieux mérinos. N’est-ce pas là un besoin à signaler ?

J’ai remarqué une autre lacune non moins fâcheuse, celle des brebis laitières, qui font la fortune du Rouergue et du Béarn. Le fromage de lait de brebis, dont le meilleur type vient de Roquefort (Aveyron), constitue une industrie toute nationale, qui mérite d’être connue, encouragée et répandue. J’aurais voulu enfin voir au moins rappelée par quelque chose l’espèce des moutons dits transhumans, qui jouent un rôle si important dans le sud-est.

Les croisemens étaient mieux représentés, surtout celui des dishley avec les mérinos. Je ne sais si ce mélange est en soi parfaitement entendu, et s’il n’y a pas quelque contradiction entre la spéculation sur la laine, qui suppose la récolte successive de plusieurs toisons, et la précocité pour la boucherie, qui est le caractère principal des dishleys ; c’est une question que l’expérience ne peut manquer de résoudre, car l’ambition d’unir la viande et la laine se présente si naturellement qu’elle a tenté bon nombre d’éleveurs. À leur tête est M. Pluchet de Trappes (Seine-et-Oise), dont le troupeau sans pareil excitait à bon droit l’admiration. Il y avait aussi des dishley-normands, des dishley-flamands, des south-down-berrichons, etc. : tentatives à mon sens plus rationnelles, quoiqu’elles aient un succès moins éclatant ; mais ce qui me parait l’emporter sur tous les essais faits en France jusqu’ici, c’est la sous-race de la Charmoise (Loir-et-Cher), due au regrettable M. Malingié et entretenue avec un soin religieux par ses fils. Voilà une véritable création, tout à fait sur le modèle des races anglaises ; je ne sais si elle aura beaucoup de durée, car ce qui est abandonné en France à l’initiative individuelle, quelque résolue qu’elle puisse être, a bien des chances contre soi, mais elle mérite de durer et de prospérer, comme le plus grand exemple