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La phrase mélodique dite séparément par les deux personnages, avec un accompagnement de harpes, gagne à être entendue plusieurs fois, et le public enchanté l’a fait répéter. Ce morceau aura autant de succès dans le monde qu’il en obtient au théâtre, où Mlle Cruvelli chante sa partie avec plus de goût qu’on n’était en droit de l’espérer. Procida et Hélène, qui attendent leur supplice, sont en présence d’Henri, qui est parvenu à se justifier à leurs yeux. Il leur raconte dans quelle perplexité cruelle il s’est trouvé en face de son père, Guy de Montfort, qu’on allait assassiner. Il promet d’employer toute son influence pour sauver la femme qu’il adore et son ami Procida. Le gouverneur, qui survient, ne met qu’une seule condition à la grâce des deux condamnés, c’est qu’Henri le nommera publiquement son père. De cette situation résulte un quatuor dont le commencement est pénible et sans caractère, et qui ne se relève un peu dans l’ensemble avec l’adjonction du chœur qu’en rappelant des effets connus, et particulièrement l’incomparable triode Guillaume Tell. Sur un ordre du gouverneur, les deux prisonniers vont être conduits à la mort, et déjà l’on entend, dans une grande salle qui s’ouvre tout à coup devant le public, un De Profundis dont les notes lugubres forment un contraste avec la situation des personnages qui sont sur la scène. Cette opposition confuse et maladroitement cimentée est loin de produire le même effet que le chant du Miserere dans le quatrième acte du Troratore.

Tout rempli de chants et de bruits joyeux qui annoncent le mariage d’Hélène avec Henri, le cinquième acte ne contient de remarquable qu’un boléro fort ingénieux que Mlle Cruvelli lance en l’air d’une voix vigoureuse, et qu’on lui fait répéter sans qu’on puisse entendre une seule parole des deux couplets qui le composent :

Merci, jeunes amies,
D’un souvenir si doux !


puis une romance pour voix de ténor :

La brise souffle au loin plus légère et plus pure,


dont la mélodie, gracieuse rend avec assez de bonheur le sentiment qui remplit le cœur d’Henri au moment où il croit épouser Hélène ; enfin le trio qui suit entre Procida, Henri et Hélène, morceau mal dessiné, mais duquel jaillit une certaine flamme qui annonce le soulèvement des Palermitains et la catastrophe de la pièce, qui gagnerait à ne durer que trois heures au lieu de cinq.

Nous venons d’énumérer scrupuleusement tous les morceaux et toutes les parties plus ou moins saillantes de la partition de M. Verdi : — au premier acte, le chœur d’introduction, la cavatine d’Hélène, le quatuor sans accompagnement et certains passages du duo entre Guy de Montfort et Henri ; — au second, l’air que chante Procida en abordant en Sicile après trois ans d’absence, accompagné par un chœur qui rappelle un chœur et un air semblables du second acte du Troratore, le duo entre la duchesse Hélène et Henri, et la barcarolle délicieuse qui forme, le thème du finale ; le duo entre Guy de Montfort et son fils Henri, la musique du divertissement et le finale du troisième