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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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30 juin 1855.

Quelque complication d’intérêts qu’il y ait dans la grande crise où l’Europe se voit engagée, quelques diversions que créent par instans les négociations et les efforts des cabinets, le regard ne peut se détacher de cette presqu’île de Crimée où la lutte apparaît dans ce qu’elle a de plus simple et de plus énergique. Là, il n’y a en vérité ni diplomatie savante, ni subtilités ingénieuses, ni tactiques évasives : c’est le sang de nos armées qui coule, c’est un héroïsme chaque jour renouvelé. Et depuis huit mois déjà il en est ainsi dans ce coin de terre, où l’on dirait que s’est concentrée toute la force de résistance de la Russie. Après les cruelles fatigues de l’hiver, l’heure des opérations plus actives est arrivée. Au milieu de ces opérations mêmes, l’épidémie vient encore éprouver chefs et soldats : rien ne peut affaiblir la mâle et stoïque intrépidité de ces années durcies par le feu et par les souffrances. Il y a peu de jours, c’était ce combat du 7 juin, qui laissait les soldats alliés en possession du Mamelon-Vert et des redoutes du Carénage après une mêlée sanglante et rapide. Hier encore, le 18, c’est l’attaque de la tour Malakof et du grand redan, tentée par les français et les Anglais. La prise de Malakof eût sans doute précipité les événemens ; cette première attaque n’a malheureusement point réussi, bien que nos soldats eussent pris pied déjà dans l’ouvrage russe. Il n’est resté pour le moment de cette tentative qu’un accident de la guerre à réparer et des pertes douloureuses dont le chiffre indique assez la puissance de l’attaque et la vigueur de la résistance. Ce chiffre s’élève à plus de trois mille hommes mis hors de combat, et plusieurs généraux paraissent avoir été atteints. L’un d’eux même, le général Brumet, qui commandait une des divisions d’attaque, a succombé. C’est là une de ces inévitables et passagères alternatives de l’un des sièges les plus mémorables qui se soient vus assurément. En même temps que ces opérations se poursuivent devant Sébastopol, l’expédition de la mer d’Azof s’est achevée avec un plein