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à la Hollande. Ici encore le vole de la chambre a été approbatif ; mais un autre traité a été moins heureux : c’est celui qui avait été négocié avec le Portugal pour une délimitation meilleure des possessions hollandaises et portugaises dans l’île de Timor. Le principal motif du rejet de ce traité est l’absence d’une disposition qui consacre la liberté religieuse en faveur des Hollandais qui passent sous la domination portugaise par l’échange des territoires, tandis que cette liberté, existe en faveur des catholiques qui passent sous le pouvoir hollandais. La question de délimitation reste donc incertaine, et la Hollande se trouve privée, d’un territoire qui contient justement des mines de cuivre Enfin le gouvernement hollandais vient de conclure des traités avec la France, la Belgique et les États-Unis pour l’admission d’agens consulaires aux Indes orientales : acte intelligent qui ne peut avoir pour résultat que d’étendre ou de consolider les rapports du commerce, et qui a été favorablement accueilli en Hollande. Dans quelques jours, la session des chambres de La Haye va se clore, et elle n’aura point été inutile aux intérêts du pays.

Au-delà de l’Atlantique, les know nothing[1] ont le privilège d’absorber l’attention du public américain. Grâce à eux, la question de Cuba a pu sommeiller paisiblement pendant toute cette année, et les expéditions toujours projetées contre le Mexique ou tel autre pays du nouveau continent ont pu être étouffées en germe. C’est ce qui est arrivé notamment au colonel Kinney, chef d’une expédition pour la colonisation du Nicaragua, qui s’est vu arrêter au moment où il allait s’embarquer. Le colonel Walker a été plus heureux : il est parvenu à s’échapper de San-Francisco avec soixante-cinq hommes, et il est parti pour la conquête ou la colonisation du Nicaragua. Espérons que sa nouvelle entreprise obtiendra aussi peu de succès que sa dernière tentative contre la Basse-Californie.

Ce sont donc les know nothing qui attirent en ce moment l’attention de l’Amérique. Au mois de mai, ils ont tenu une réunion à New-York, et ce mois-ci, dans une convention tenue à Philadelphie, ils ont formulé leur programme définitif. Un grand avenir semble réservé à ce parti nouveau, dont on connaît maintenant tous les principes et toutes les tendances. Le parti des know nothing est une réaction à la fois contre l’élément européen amené en Amérique par l’émigration et contre l’égoïsme des anciens partis, qui, en se fractionnant à l’infini, étaient devenus des coteries où des intérêts de localité, de camaraderie ou même de famille avaient fini par l’emporter sur les intérêts du pays. En outre ce parti se donne comme plus national que les whigs et les démocrates ; il ne représente ni le nord ni le sud, il représente l’Union tout entière ; enfin il replace la république des États-Unis sur sa base première, le protestantisme. L’Amérique accuse, si l’on peut ainsi parler, de plus en plus son individualité comme nation. Avec le parti des know nothing, elle cherche à mettre un peu d’ordre dans le chaos qu’ont produit soixante ans de liberté illimitée, et que les anciens partis semblaient vouloir éterniser. Ce mouvement commence à peine, et il faut s’attendre à le voir amener

  1. Know nothing, c’est-à-dire ceux qui ne savent et ne veulent rien savoir de ce qui n’est pas américain et commun à la république tout entière.