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ou ne l’étaient-ils pas ? C’était ce que l’on savait à peine. Quel était celui qu’on devait préférer ? C’est ce qu’on ne discutait guère. On se contentait d’examiner leurs indications, et l’on disait que la température est égale à 10, 15 ou 20 degrés, quand le liquide thermométrique s’arrête vis-à-vis ces chiffres sur l’échelle de l’appareil ; mais on ignorait de la manière la plus complète ce que cette température signifie, et par quelle relation elle se lie à la cause qui échauffe les corps. Toutes les discussions qui avaient été soulevées sur cette matière n’avaient fait que l’obscurcir ; le thermomètre était resté un instrument très imparfait, et ses indications n’avaient aucune signification théorique. Dulong et Petit sentirent dès les premiers pas l’insuffisance des connaissances que l’on possédait sur cette question, et résolurent, en la reprenant de plus hauts de la traiter plus complètement ; ils voulurent en premier lieu comparer les dilatations des corps, afin de pouvoir comparer les thermomètres entre eux, discuter leurs indications, et donner à la mesure des températures une signification précise. Sans doute ce plan d’études était long et allait les entraîner bien loin, mais il était sûr et logique. En le concevant et en l’exécutant, les deux jeunes physiciens donnèrent le premier signe de l’étendue de leurs idées et de l’enchaînement philosophique qui réunissait dans leur esprit les diverses parties de la science. C’est ainsi qu’ils furent conduits, en voulant traiter les questions contenues dans le programme de l’Académie, à en reculer les bornes et à en préparer la solution par des recherches préliminaires, se réservant déjà de les continuer par des développemens ultérieurs. Une fois ce plan adopté, Dulong et Petit allaient avoir à porter leur attention sur quelques-uns des problèmes les plus importans de la physique, et en faisant aujourd’hui l’étude de leurs travaux, nous aurons l’occasion de parcourir les principaux phénomènes que la chaleur développe dans les corps en les échauffant, comme en suivant Herschel et Melloni nous avons précédemment parcouru les lois de la chaleur rayonnante.


I

La chaleur se révèle par deux ordres de phénomènes entièrement dissemblables. Quelquefois elle est lancée dans l’espace par les astres ou les foyers ; elle se propage alors avec une vitesse immense, elle traverse l’air sans s’y arrêter, elle pénètre les corps transparens sans y laisser aucune trace de son action : elle est alors chaleur rayonnante. Puis, quand un de ces flux calorifiques rencontre un corps opaque interposé à dessein dans le chemin qu’il parcourt, il s’y arrête et se transforme ; le corps prend, sous l’influence de cette chaleur, quand on en prolonge l’effet et qu’on en augmente l’intensité,