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des propriétés progressivement différentes : il était froid, il s’échauffe, et quand nous le touchons avec la main, nous sentons une impression, d’abord douce et agréable, bientôt cuisante et insupportable, enfin brûlante et destructive. Il était solide et avait un volume déterminé : nous le voyons se dilater, c’est-à-dire augmenter peu à peu ses dimensions, puis se fondre et devenir liquide, et se réduire en dernier lieu en vapeur ou en gaz.

Nous assistons ici à un phénomène dont la signification a besoin d’être précisée. La chaleur vient de subir une transformation radicale : elle se propageait rapidement, elle vient de s’arrêter ; elle était en mouvement, elle devient statique ; elle traversait les substances sans les modifier, maintenant elle les échauffe, elle s’y accumule, elle prend un deuxième mode d’existence avec des propriétés toutes différentes, par une métamorphose complète.

Plaçons maintenant dans l’air le corps que nous venons d’échauffer, il se refroidira progressivement, en émettant de la chaleur rayonnante, en rendant à l’état de mouvement ce qu’il avait absorbé à l’état statique, de façon que si d’une part la chaleur rayonnante peut être absorbée, perdre sa vitesse de propagation et se condenser momentanément dans la matière, de l’autre la chaleur statique peut à son tour reprendre la forme rayonnante. Tous les phénomènes de la chaleur sont ainsi occasionnés par des transformations alternatives d’un principe unique, quelquefois accumulé dans les corps, quelquefois en mouvement de circulation à travers l’espace.

À peine a-t-on aperçu ces deux modes d’existence de la chaleur, qu’on en demande l’explication ; mais c’est là une question qu’il est plus facile de poser qu’il n’est aisé d’y répondre. On avait autrefois un genre d’hypothèse commode qui suffisait à satisfaire la curiosité sans résoudre aucune question. On avait imaginé, pour expliquer les diverses classes de phénomènes obscurs, certaines causes peu définies que l’on désignait sous le nom générique de fluides ; les actions électriques étaient rapportées à un fluide, les propriétés magnétiques s’expliquaient de la même manière, et c’étaient encore des fluides qui servaient à personnifier la lumière et la chaleur. On n’avait, il est vrai, que des idées très vagues sur la constitution de ces agens. On les supposait impondérables parce que la balance ne les accusait pas ; ils étaient invisibles, intangibles, incoercibles, c’est-à-dire qu’aucune propriété physique n’en pouvait démontrer l’existence, et qu’on s’était contenté de les nommer sans en préciser la nature ; mais, par cela même qu’ils étaient un produit de l’imagination ou un rêve de l’esprit, on était libre de leur attribuer toutes les propriétés que l’on voulait inventer, lui les créant, on les constituait tels qu’ils eussent tout expliqué s’ils avaient existé, et quand on venait à découvrir un phénomène nouveau, on s’empressait