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que vous êtes en Angleterre. Si vous étiez découvert ici, il m’en arriverait malheur.

— Par amour pour vous, je resterai là où vous me mettrez. Seulement je voudrais bien des bouquets et un miroir, comme à Paris ; cela me réjouirait et me tiendrait compagnie, surtout la contemplation de mon individu.

— Eh bien ! restez ici, je reviens dans dix minutes.

Bien avant l’expiration de ce court délai, le squire revint tout essoufflé avec un grand bouquet de fleurs et un petit miroir. — Voici les objets demandés, dit-il ; maintenant restez parfaitement tranquille, évitez de faire aucun bruit, et ne montez l’escalier sous aucun prétexte jusqu’à ce que je vienne.

— Mais quand reviendrez-vous ?

— Je tâcherai de revenir deux fois par jour pendant tout le temps que vous passerez ici ; mais on ne peut savoir ce qui arrivera. Si je ne viens vous voir que lorsque je vous délivrerai, soit dans deux, soit dans trois jours, n’en soyez pas surpris, mon ami. Vous avez assez de provisions pour tout ce temps-là. Adieu.

Israël resta un moment pensif. Il monta sur son matelas, et regarda à travers les fentes ; mais il n’aperçut rien qu’un coin de ciel bleu et le feuillage d’un arbre, aussi ancien que la maison, qui s’élevait en face de la porte. « La pauvreté et la liberté, ou l’opulence et la prison, c’est ainsi, paraît-il, que je dois passer ma vie, » se dit-il. « Regardons notre physionomie. Quelle bêtise de n’avoir pas demandé du savon et un rasoir ! Je me serais fait la barbe ; cela m’aurait aidé à tuer le temps. Si j’avais un rasoir et un peigne, je ferais une toilette continuelle. Lorsque je sortirais, je serais éveillé comme un oiseau et frais comme une rose. Que fait maintenant le docteur Franklin ? Et le capitaine Paul Jones ? Ah ! voilà un oiseau qui chante dans les feuilles ; c’est la cloche qui m’annonce l’heure du dîner. » Et, pour passer le temps, il se mit à attaquer ses provisions. Ainsi s’écoula la première journée. La nuit vint, et les ténèbres s’étendirent autour de lui. Pas de squire.

Il passa une nuit très inquiète. Au point du jour, il se leva et appliqua ses lèvres contre une des bouches des griffons. Il poussa un petit sifflement qui fut suivi d’un petit murmure dans les feuilles. Un oiseau gazouilla, et trois minutes après tout l’orchestre du matin était éveillé. « J’ai réveillé le premier oiseau, se dit Israël, et il a éveillé tous les autres ; déjeunons. » Les heures passèrent ; midi arriva, pas de squire.

« Il est allé à la chasse avant déjeuner, et il est rentré fatigué, » pensa Israël.

Les ombres du soir s’allongèrent dans la cellule, la nuit vint, pas de squire.

Nouvelle nuit sans sommeil. Le second jour se passa comme le