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couvens. Elle ne veut ni fausse modestie ni pruderie ridicule. Elle a de ce côté une liberté d’esprit et une fermeté de bon sens vraiment admirables. « On m’a dit, écrit-elle à Mme du Tourp, maîtresse générale des classes en 1694, qu’une des petites fut scandalisée au parloir de ce que son père avait parlé de sa culotte ; c’est un mot en usage. Quelles finesses y entendent-elles ? Est-ce l’arrangement des lettres qui fait un mot immodeste ? Auront-elles de la peine à entendre les mots de curé, de cupidité, de curieux, etc. ? Cela est pitoyable. D’autres ne disent qu’à l’oreille qu’une femme est grosse. Veulent-elles être plus modestes que notre Seigneur, qui parle de grossesse, d’enfantement, etc. ? Une petite demoiselle s’arrêta avec moi quand je voulus lui faire dire combien il y a de sacremens, ne voulant pas nommer le mariage : elle se mit à rire, et me dit qu’on ne le nommait point dans le couvent dont elle sortait. — Quoi ! un sacrement institué par Jésus-Christ, qu’il a honoré de sa présence, dont ses apôtres détaillent les obligations et qu’il faut apprendre à nos filles, ne pourra pas être nommé ! Voilà ce qui tourne en ridicule l’éducation des couvens ! Il y a bien plus d’immodestie à toutes ces façons-là qu’il n’y en a à parler de ce qui est innocent et dont tous les livres de piété sont remplis. Quand elles auront passé par le mariage, elles verront qu’il n’y a pas de quoi rire. Il faut les accoutumer à en parler très-sérieusement, et même tristement, car je crois que c’est l’état où on éprouve le plus de tribulations, même dans les meilleurs[1]. »

Ce que Mme de Maintenon veut surtout qu’on apprenne aux filles, c’est donc ce qu’on appellerait, dans le jargon de nos jours, le sérieux de la vie, et elle a raison, car c’est là en vérité la maîtresse science. Sa maxime favorite est : « Il faut rendre les femmes capables de soutenir tout le bien et tout le mal qu’il plaira à Dieu de leur envoyer. » Point de petites pratiques de dévotion, point de piété mesquine. » Quand une fille instruite dira et pratiquera de perdre vêpres pour tenir compagnie à son mari malade, tout le monde l’approuvera. Quand elles auront pour principes qu’il faut honorer son père et sa mère, quelque mauvais qu’ils soient, on ne se moquera point ; quand une fille dira qu’une femme fait mieux de bien élever ses enfans et d’instruire ses domestiques que de passer la matinée à l’église, on s’accommodera très bien de cette religion ; elle la fera aimer et respecter. Prêchez sincèrement, ma chère fille, cette dévotion pratiquée selon l’état où Dieu nous a appelés[2]. »

Que deviennent, après ces conseils de sagesse, les reproches de

  1. Lettres sur l’Éducation, p. 126.
  2. Ibid, p. 311.