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Mme de Maintenon, réjouir leur éducation et diversifier leur instruction ! » Quelle excellente pédagogie dans ces deux mots ! Les éducations tristes et mornes n’ont point de prise sur l’âme ; les instructions monotones n’ont point de prise sur l’esprit. Il faut de la gaîté et de l’entrain dans le gouvernement de la jeunesse, afin que la jeunesse, se sentant égayée dans le cercle de la règle, ne soit point tentée de chercher la joie hors du devoir. Il faut aussi de la variété et de la liberté dans l’esprit pour instruire la jeunesse, afin que, la variété des leçons répondant à la diversité des vocations, chaque élève puisse trouver dans l’enseignement du maître ce qui convient à son esprit, et qu’aucune intelligence ne reste stérile.

Nous retrouvons dans Jean-Jacques Rousseau beaucoup des maximes de Fénelon et de Mme de Maintenon, et quiconque ne ferait attention qu’aux ressemblances entre le cinquième livre de l’Émile et le Traité de Fénelon ou les Lettres de Mme de Maintenon serait tenté de croire à une conformité de principes bien plus grande que celle qui existe au fond. Voyons d’abord ces ressemblances, nous viendrons ensuite aux différences, et nous en expliquerons la cause et la portée.

Comme Fénelon et Mme de Maintenon, Rousseau veut que Sophie se « soit appliquée à tous les détails du ménage. Elle entend la cuisine et l’office, elle sait le prix des denrées, elle en connaît les qualités, elle sait fort bien tenir les comptes, elle sert de maître-d’hôtel à sa mère. Faite pour être elle-même mère de famille un jour, en gouvernant la maison maternelle, elle apprend à gouverner la sienne ; elle peut suppléer aux fonctions des domestiques et le fait toujours volontiers. On ne sait jamais bien commandée que ce qu’on sait exécuter soi-même. C’est la raison de sa mère pour l’occuper ainsi[1]. » Ainsi l’économie domestique et ses détails familiers ne déplaisent pas plus à Rousseau qu’à Mme de Maintenon, et il n’attache pas moins d’importance qu’elle à voir les filles apprendre les soins du ménage. Il veut aussi qu’elles sachent travailler. « Ce que Sophie sait le mieux et qu’on lui a fait apprendre avec le plus de soin, ce sont les travaux de son sexe, même ceux dont on ne s’avise point, comme de tailler et de coudre ses robes. Il n’y a pas un ouvrage à l’aiguille qu’elle ne sache faire et qu’elle ne fasse avec plaisir ; mais le travail qu’elle préfère à tout autre est la dentelle, parce qu’il n’y en a pas un qui donne une attitude plus agréable et où les doigts s’exercent avec plus de grâce et de légèreté[2]. » Ainsi Sophie aime, parmi les travaux de l’aiguille, ceux qui lui seyent le mieux, et Rousseau ne blâme pas cette coquetterie. Les motifs de Mme de Maintenon sont

  1. Émile livre V.
  2. Ibid.