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parlementaires un modèle d’ennui. Nous voilà revenus aux coutumes de nos ancêtres anglo-saxons, qui, en dernier ressort, se rassemblaient en rase campagne, rayaient les solutions des notables, et décidaient sans appel par voix d’acclamation de toute la tribu. Hyde-Park a été dimanche le champ de Mais de la race anglaise, et là il a été décidé que le bill ne passerait pas, et que si lord Robert Grosvenor persistait à le faire passer, ce qu’il avait de mieux à faire était de se sauver quelque part à la campagne… Et maintenant quelle est la situation ? La chambre des communes a vu sa volonté dominée par la voix de l’émeute, et le plus grand malheur, c’est que l’émeute avait raison. La capitale a été le théâtre de scènes de désordre un dimanche… On aurait pu se croire revenu au 10 avril 1848, sauf les constables spéciaux, car on n’aurait pas trouvé un constable pour une cause pareille. En dernier résultat, on a fait un mal incalculable en excitant la jalousie et l’amertume entre les différentes classes de la société. Le mépris et la haine envers les législateurs deviennent promptement le mépris et la haine envers la loi… Ce qu’il y a de plus sage, c’est de se tenir tranquille, au moins pour quelque temps, car le peuple est exaspéré outre mesure par la folie de nos législateurs du dimanche… »

La chambre avait capitulé, le projet de loi était retiré, l’émeute avait triomphé, on pouvait croire que la question était vidée. Pas encore. La colère publique demandait une réparation, et elle se tourna contre le gouvernement et contre la police. Les représentans de Londres, qui naturellement tiennent à soigner leur réélection, demandèrent une enquête sur la conduite des policemen dans la journée du dimanche, lis apportèrent devant la chambre un nombre considérable de pétitions et de plaintes, et M. Duncombe dit en les présentant : « Je parle ici pour remplir un devoir. Je parle dans l’intérêt de la propriété, de la sécurité publique, dans l’intérêt de la paix pour dimanche prochain… Je vous affirme qu’il règne au dehors une très grande exaspération. Je vous donne ma parole que je crois fermement qu’il faut faire quelque chose ; il faut faire une enquête… La loi a été retirée, c’est vrai ; mais qui est-ce qui est compromis ? C’est la chambre… Il faut que vous fassiez quelque chose, si vous voulez que la tranquillité soit maintenue dimanche. Je sais que les mêmes hommes sont décidés à retourner dimanche au parc, que si on les maltraite, ils s’y rendront en armes, et je vous le demande, si dimanche dernier ils avaient eu des armes, que se serait-il passé ? Il faut que vous trouviez un moyen de leur donner satisfaction… Je vous ai dit ce que je sais, la chambre est instruite maintenant… »

Le gouvernement fit d’abord mine de défendre ses agens, et le ministre de l’intérieur déclara que l’ordre serait protégé ; mais cette velléité de courage ne devait pas être de longue durée. Ce que M. Duncombe avait dit dans la chambre, il devait le savoir en effet par ses relations avec les radicaux et