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membre reprit : « J’ai peu l’usage des formes de la chambre, mais je regrette infiniment que le projet de loi ait été retiré devant une pareille démonstration.. Nous montrons peu de dignité en cédant à la clameur populaire… Ainsi donc il paraît qu’on nous promet quelque chose du même genre pour dimanche prochain, et on viendra en armes pour attaquer la police. J’espère que le gouvernement prendra des mesures. Je lui rappellerai qu’il vaut encore mieux prévenir que réprimer ; j’irai plus loin, et je dirai que rien n’a plus d’influence sur la populace que le bruit sur le pavé d’une pièce de six. » Cette sortie produisit une vive impression, et elle ne fut pas immédiatement relevée ; mais sans doute la chambre comprit l’effet que de pareilles paroles pouvaient faire au dehors, et quelques momens après M. Roebuck se leva et dit : « Il a été prononcé ici des mots qu’un gentleman anglais ne devrait point prononcer dans cette chambre. Un honorable membre a conseillé au gouvernement de braquer une pièce de six sur le peuple… » M. Dundas interrompit pour dire qu’il avait conseillé seulement de prendre des mesures de défense, et M. Roebuck reprit : « Alors j’espère que l’honorable membre fera des excuses. Il a tenu un langage que ni un Anglais ni un gentleman n’a le droit de tenir envers le peuple de ce pays. Après l’avoir traité de canaille, il a conseillé de lui répondre avec une pièce de six. Je dis que ce langage est indigne d’un gentleman… » Nous avons vu que les journaux français avaient en général rapporte le commencement de cette scène ; ce que nous n’avons retrouvé dans aucun, c’est la fin. On croyait l’incident terminé, mais probablement l’improvisateur imprudent qui avait parlé d’artillerie reçut des avis plus sages, car dans la suite de la séance il jugea à propos de faire des excuses, et il les fit en ces termes : « Il y a quelques instans, dit-il, j’ai été entraîné à me servir d’une expression à laquelle on a attaché un sens qui n’était pas dans ma pensée. Je regrette donc de m’en être servi. Tout ce qui je puis dire, c’est que je m’en remets à l’indulgence de la chambre. Ce que j’ai voulu dire, c’est que j’espérais que le ministre de l’intérieur prendrait des mesures pour maintenir l’ordre et la paix dimanche prochain. »

Le gouvernement et le parlement avaient donc une seconde fois cédé. Le pouvoir exécutif, après avoir d’abord refusé toute enquête, avait fini par en promettre une entière, sans réserve. Les journaux, qui jusque-là avaient soutenu les réclamations populaires, jugèrent qu’il était temps de s’arrêter, et se mirent alors à prêcher la paix et la modération. On avait obtenu tout ce qu’on voulait : le retrait de la loi d’abord, puis la censure de la police ; l’insurrection restait définitivement maîtresse du terrain.

C’est là que se termine véritablement la campagne, et les scènes qu’il nous reste à rapporter n’en sont que la queue. Le dimanche suivant, il y eut encore des rassemblemens dans le parc ; mais d’un autre côté il ne s’y trouva point de police, de sorte qu’il n’y eut aucune occasion de collision. La foule