Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/464

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

proposant à la chambre des communes de déclarer que le gouvernement n’a plus la confiance du parlement. Tout compte fait, en peu de temps c’est la troisième ou quatrième motion contre laquelle le ministère anglais se trouve avoir à se débattre. Il a échappé à celle du parti de la paix : échappera-t-il encore à celle de M. Bulwer ? Lord John Russell se verra-t-il obligé de donner sa démission, et se retirera-t-il seul, ou entraînera-t-il avec lui le ministère tout entier ? La question essentielle aujourd’hui est le maintien d’un gouvernement en présence d’une guerre à conduire, et la difficulté serait peut-être de former un autre ministère que celui qui existe, au milieu de l’incohérence des partis.

Quant à la France, elle vient d’avoir une session législative moins troublée par les motions et les interpellations. C’est le 2 juillet que les chambres se sont réunies et que l’empereur a inauguré leurs travaux par un discours où il exposait l’état de la guerre et de nos rapports diplomatiques ; la session est maintenant finie. Quelque court que soit cet intervalle cependant, il a suffi pour que des mesures importantes aient été adoptées. Toutes ces mesures au surplus se rattachent à la guerre. L’une d’elles est la loi qui autorise une levée de cent quarante mille hommes, En elle-même, cette levée n’a rien d’extraordinaire. C’est un retour à un usage suivi jusqu’à ces dernières années, et qui consistait à voter la loi du contingent, comme le budget, une année à l’avance. C’est donc la classe de 1855 qui sera appelée, et la loi actuelle fournira les moyens de hâter la formation du contingent dès les premiers jours de l’année prochaine.

Le corps législatif a eu également à voter diverses mesures financières qui sont des charges nouvelles : c’est là un des résultats de la guerre. Trois lois étaient proposées par le gouvernement et ont été adoptées. L’une a pour but d’assurer la garantie de la France à un emprunt contracté par la Turquie. L’Angleterre a sa part dans cette garantie collective. La seule chose qu’on pût faire était de stipuler que ces ressources seraient consacrées à la guerre par la Turquie, et en outre de donner quelques sûretés à l’Angleterre et à la France elle-même ; c’est ce qui a été fait par un traité signé à Londres. Le gouvernement français a d’ailleurs un emprunt à contracter pour son propre compte. Il s’élève à 750 millions, et se fera vraisemblablement comme par le passé, par la voie d’une souscription nationale. D’après le rapport de la commission législative, cet emprunt nouveau doit suffire à la fin de l’année actuelle et à l’année prochaine tout entière. Malheureusement tous ces emprunts, s’ils grèvent l’avenir, constituent aussi une charge pour le présent : c’est le service des intérêts qui va grossir le budget des dépenses. Quelque progrès qu’il puisse y avoir dans les revenus ordinaires, cela ne suffit pas évidemment. De là la nécessité de nouveaux impôts. Le gouvernement a proposé d’augmenter le droit sur les alcools, de faire porter sur la totalité, au lieu du tiers du prix de la place, le droit de transport auquel sont soumis les voyageurs par les chemins de fer, et enfin d’ajouter un nouveau décime de guerre au principal des contributions indirectes sujettes à l’ancien décime. En fait d’impôts, le mieux serait de n’en point payer certainement. Pourtant, la nécessité admise, pouvait-on trouver d’autres combinaisons ? La commission législative a essayé d’en chercher, à ce qu’il