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moment critique, Israël, qui n’avait pas bougé malgré les ordres répétés des officiers, s’élança vers le capitaine, et, se dressant devant lui, s’écria :

— Regardez-moi bien, je suis un Yankee, un rebelle, un ennemi !

— Au secours ! au secours ! cria le capitaine. Un traître parmi nous, un traître !

Ces mots étaient à peine prononcés, que la mort avait fermé la bouche du malheureux capitaine. Réunissant toute sa force physique, Israël l’avait précipité d’un seul coup dans la mer. Un des officiers se jeta sur Israël, tandis que le second courait au gouvernail pour empêcher le navire de chavirer ; l’officier glissa et tomba près des barres de fer des écoutilles. Israël lui brisa la tête contre le fer, puis courut à l’officier qui se tenait au gouvernail, et qui ignorait l’issue de la dernière lutte. Il le saisit dans une étreinte sauvage, et après l’avoir serré jusqu’à l’étouffer, le lança contre les rebords du vaisseau. En ce moment, la voix du vaisseau de guerre se fit entendre de nouveau. « J’ai fort envie de vous couler bas, pour vous faire payer votre fourberie. Enlevez-moi ce chiffon de drapeau, entendez-vous ? »

Un bateau arriva au bout de quelques minutes. Lorsque son commandant s’arrêta sur le pont du cutter, il se heurta contre le cadavre du premier officier, et en même temps les râlemens d’agonie du second frappèrent son oreille. — Qu’est-ce que cela veut dire ? demanda-t-il à Israël.

— Cela veut dire que je suis un Yankee pris de force pour le service du roi, et que, pour les récompenser de leurs peines, à mon tour j’ai pris le cutter.

Saisi de surprise, le commandant regarda le corps agonisant du second officier et dit : — Cet homme ne vaut guère mieux que s’il était mort ; mais nous l’emmènerons cependant au capitaine Paul, comme témoin à notre décharge.

— Le capitaine Paul Jones ! s’écria Israël.

— Lui-même.

— Il me semblait bien avoir reconnu sa voix. C’est cette voix qui m’a encouragé et m’a donné la force de faire ce que j’ai fait.

— Oui, le capitaine Paul s’entend assez bien à changer les hommes en tigres. Ils prirent avec eux l’officier agonisant, mais avant qu’ils eussent abordé au vaisseau de guerre, l’officier avait déjà rendu l’âme. Debout sur le pont du vaisseau, se tenait un petit homme à physionomie de pirate, coiffé d’un bonnet écossais orné d’un galon d’or.

— -Eh bien ! drôle, pourquoi votre mauvais bateau m’a-t-il donné tant de mal ? Où est le reste de l’équipage ?

— Capitaine Paul, dit Israël, vous souvenez-vous de moi ? Je crois