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d’hommes avant que le temps marqué pour cette délivrance soit accompli, et c’est à lui, enfant des compagnons d’Attila, qu’est réservé l’honneur d’introduire les Magyars dans l’héritage des Huns. Le Sicule est en Occident ce qu’est en Orient la tribu de Chaba, le gardien officiel de la tradition. Ce rôle, il le revendiquait au moyen âge, et son langage était plein d’allusions à l’histoire du conquérant et de ses fils. Ainsi il donnait à une plante médicinale de ses montagnes le nom de baume de Chaba, « attendu que Chaba, instruit dans les secrets de la nature, avait employé cette herbe après la bataille de Crimhild à guérir ses soldats blessés et à se guérir lui-même. » On citait de lui, dès le XIIe siècle, un proverbe plein de mélancolie patriotique et de tendresse. Un Sicule se séparait-il de l’ami qu’il craignait de ne plus revoir, il lui disait avec un doux reproche : « Oh ! tu me reviendras, quand Chaba reviendra de la Grèce ! »

Dans toutes ces traditions, il n’est pas question de l’empire avar. Les Avars y sont confondus avec les Huns ; leurs guerres de Carinthie, de Dalmatie et d’Allemagne y sont attribuées à leurs devanciers ou à leurs successeurs, et les exploits de Baïan allongent la vie d’Attila. Si quelque vague souvenir du nom d’Avar reste encore dans le moyen âge hongrois, il s’applique à on ne sait quelle race de sorciers et de fées qui aurait construit ces grands remparts des khakans, dont les derniers vestiges ont disparu de nos jours. Quant aux Sicules, l’opinion est unanime depuis le XIe siècle pour les considérer comme un peuple antérieur à l’arrivée des Magyars sur les bords du Danube. En admettant cette antériorité, qui paraît incontestable, on peut encore se demander si les Sicules, comme ils le prétendent, sont un reste des Huns d’Attila, ou simplement un reste des Avars. Historiquement leur descendance directe des Huns n’aurait rien d’impossible, car les faits démontrent qu’il resta parmi les Gépides, devenus maîtres de la Honnie, plusieurs noyaux de population hunnique, et même un fils d’Attila ; toutefois il est plus raisonnable, plus conforme à la nature des choses, de voir dans le peuple sicule une tribu avare que les envahissemens des Slaves n’ont pas eu le temps d’étouffer. L’une ou l’autre hypothèse est indifférente dans la question qui nous occupe. Le rôle attribué aux Sicules par la tradition, d’avoir été les introducteurs des Magyars dans l’ancienne Hunnie et les gardiens des souvenirs d’Attila, s’expliquerait également bien, que les Sicules fussent des Avars, ou qu’ils fussent des Huns.


ARPAD.

Quatre générations se sont écoulées depuis la mort du grand roi des Huns, et Elleud, fils d’Ugek, fils d’Ed, fils de Chaba, fils d’Attila,