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dans le lointain au roi des Huns comme le prix de son obéissance.

Saint Adalbert reçoit Etienne des mains de sa mère pour le diriger et l’instruire. Il façonne au christianisme, il nourrit de sentimens charitables et justes l’adolescent, en qui éclatent déjà l’audace et l’inflexibilité maternelles. À quinze ans, quand il perd son père, Etienne est un homme avec qui les plus turbulens doivent compter. Enhardis par sa jeunesse, les magnats se révoltent, veulent enlever sa mère et le tuer, tandis que les prêtres païens entonnent la chanson des anciens dieux : « Rasons les églises, étranglons les moines et brisons les cloches. » Etienne fait face à tout ; il abat les nobles, il disperse les païens, intimide l’ennemi du dehors, qui envenimait les querelles du dedans pour en profiter, et sauve le christianisme d’une ruine presque assurée. À dix-neuf ans, toutes les bouches le proclamaient l’apôtre armé de la Hongrie.

Cependant un événement considérable allait s’accomplir sur la frontière même du pays des Magyars, et donner aux Polonais une sorte de suprématie chrétienne parmi les barbares du nord de l’Europe. Cet événement, c’était l’élévation du duc Miesco à la royauté qu’il ambitionnait si ardemment et depuis tant d’années. Le siège de saint Pierre était alors occupé par un des plus savans hommes qui s’y soient assis, le Français Gerbert, autrement dit Sylvestre II, à qui sa grande perspicacité, ses vastes études et son penchant pour les sciences occultes valurent au moyen âge un certain renom de sorcellerie. Tout sorcier qu’il était ou qu’on le croyait, Herbert se laissa abuser sur le caractère personnel de Miesco et sur la réalité des conversions que le néophyte prétendait avoir provoquées et obtenues parmi ses sujets. Dans son erreur, il promit au duc tout ce que le duc lui demandait, bénédiction apostolique, titre royal et diadème, et il fit fabriquer à son intention une couronne digne par sa richesse et sa beauté de la munificence du chef de l’église. Déjà même il avait fixé le jour où il recevrait l’envoyé de Miesco, Lambertus, évêque de Cracovie, à qui il voulait remettre de sa main le bref apostolique et le diadème : encore quelques semaines, et le duc des Polonais sera le premier roi chrétien des races du Nord.

Dieu se souvint alors que cinq siècles et demi auparavant la sainte cité de Rome avait été menacée d’une grande profanation, lorsque Attila s’avançait avec toutes ses forces pour l’anéantir. Il se souvint aussi qu’il avait envoyé un ange pour arrêter le barbare dans sa marche, et que l’ange avait promis au nom du Christ « qu’un jour viendrait où la génération du roi des Huns obtiendrait, dans ces mêmes murs de Rome et de la main du successeur des apôtres, une couronne qui n’aurait point de fin. » Le Seigneur comprit que le moment de remplir sa promesse était venu. Aussitôt il inspire au duc