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et ils songeaient peu à observer la nature ; ils ne savaient pas l’anatomie : l’idée si simple d’attribuer à chaque organe une fonction et de penser que la maladie est un arrêt dans cette fonction ne leur venait pas. Cependant leurs travaux si imparfaits eurent de grands résultats. Les Asclépiades s’efforcèrent de suivre le mouvement scientifique et joignirent à leurs précieuses observations les découvertes de la nouvelle philosophie. Leur caractère religieux s’effaça peu à peu, ils sortirent de leurs temples et devinrent des médecins voyageurs ou periodeutes et même des écrivains. Le plus illustre d’entre eux est Euryphon, qui inventa un système de pathologie, et dont les opinions furent peu après combattues et détrônées par l’école hippocratique.

Ainsi avant Hippocrate, et c’est surtout là ce qu’il fallait constater, il y avait en Grèce des médecins et des théories médicales. Les anciens temples d’Esculape étaient devenus des écoles véritables où des professeurs enseignaient en public la physiologie, la pathologie, les causes et les divisions des maladies, la gravité des symptômes, etc. Les remèdes employés étaient compliqués et nombreux, les opérations de chirurgie même étaient devenues des prodiges d’habileté pour le médecin, et, il faut le dire aussi, de courage pour le malade. On avait inventé des appareils pour le redressement de l’épine dorsale, pour la luxation des membres, les fractures, l’accouchement et les maladies des femmes, etc. Dans toutes les villes policées de la Grèce, des lois instituaient les médecins et réglaient l’exercice de leur art. un passage de Platon montre qu’ils soignaient les malades d’après certaines règles : il leur était défendu de donner du poison, de faire avorter ; ils étaient responsables devant l’état de leur négligence. Avant d’être reçus à exercer, ils prononçaient en public une espèce de discours ou de thèse. Les uns tenaient boutique et vendaient des potions, recevaient et guérissaient les blessés par accident ; les autres parcouraient les villes ; d’autres suivaient les armées et étaient enrégimentés comme des soldats. C’est alors aussi que l’on commença de payer directement son médecin. On ne se contenta plus, comme, autrefois, d’offrir des présens et des sacrifices au dieu dont il était le prêtre. « On se laisse avec grande douleur inciser et cautériser par les médecins, et, pour ces opérations, on se croit obligé de leur donner un salaire, » a dit Xénophon. On payait aussi pour suivre les cours de l’école de Cos et de l’école de Cnide. M. Littré a recherché quelle pouvait être la quotité de ce salaire. Il n’a guère trouvé que ce passage d’un auteur contemporain des successeurs d’Alexandre, Cratès de Thèbes, qui fait ainsi le budget d’une grande maison : cuisinier, dix mines (720 fr.) ; médecin, un drachme (1 fr.) ; flatteur, cinq talens (25,000 fr.) ; conseiller de la fumée ou pourvoyeur de débauche, un talent (5,560 fr.) ; philosophe, trois