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oboles (0 fr. 45 c). Si, comme le croit M. Littré, ce passage n’est pas une plaisanterie, on doit avouer que l’honneur d’être assimilé aux philosophes rapportait peu de chose aux médecins. Ils sont plus chers aujourd’hui ; il est vrai que le prix des flatteurs a beaucoup baissé.

Ainsi, au VIe siècle avant l’ère chrétienne, la médecine était loin d’être tout à fait inconnue. Elle n’avait nullement disparu depuis la mort d’Esculape, comme on l’a dit. Les théories étaient nombreuses et la pratique compliquée. On connaît mal ces théories, il est vrai, mais elles n’en existaient pas moins, et d’après ce que nous savons sur la philosophie grecque, elles ne pouvaient manquer de grandeur. On commençait à connaître les veines et les artères et à les distinguer ; on savait l’ostéologie, on discutait sur le sommeil, sur la vue, etc. Les maladies n’étaient plus des punitions envoyées par le ciel, et que les dieux seuls pouvaient guérir. Cependant on reconnaissait encore une maladie divine, la maladie sacrée ou l’épilepsie, mais c’était la seule, et il était réservé à Hippocrate de détruire ce dernier vestige de l’origine de la science, sans se laisser arrêter par les vains prestiges de la mythologie :

Quem neque fama Deum, nec fulmina, cec minitanti
Murmure compressit coelum…


C’est donc au milieu d’un mouvement scientifique très prononcé que parut celui qui devait faire oublier tous ces devanciers, et réunir sous une gloire qui lui devint personnelle et ses maîtres et ses contemporains.


II

Hippocrate est né à Cos le 26 du mois agrianos, la première année de la LXXXe olympiade. (460 ans avant Jésus-Christ), sous le gouvernement d’Abriadès. C’est du moins là ce qu’affirment deux de ses plus anciens biographes, Histomaque et Soranus, auteur d’un ouvrage sur les vies et les sectes des médecins. On ne sait d’ailleurs quel est ce mois de la chronologie de Cos, ni quel est ce magistrat qui gouvernait l’île au Ve siècle. Hercule, comme on sait, exilé par Junon après le siège de Troie, s’était établi à Cos. Ses descendans donnèrent à la Grèce une foule de médecins, et quelques-uns de leurs ouvrages font sans doute partie des livres qui nous sont parvenus sous le nom de Collection hippocratique. Hippocrate descendait d’Hercule en ligne directe par son père Phénarète, et il était fils d’Esculape par sa mère Héraclide. Son origine était donc tout à la fois céleste, héroïque et médicale. Ces trois caractères sont également mêlés dans ses ancêtres, puisque Hercule descendait de Jupiter,