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homme, tel que toi on serre cordialement la main. Donne-moi la tienne ; je te dois bien ce témoignage pour tous les services que tu m’as rendus et pour l’heureuse issue de notre périlleuse entreprise. — Les employés russes traitent les artisans comme Schadrin avec un mépris sans égal, et le digne pilote avait peine à comprendre la reconnaissance très sincère dont il était l’objet. On voyait chez tous les membres de sa famille cette bonté candide qui ne sait pas elle-même ce qu’elle vaut. Quand je pris congé d’eux, la jeune femme, d’une affabilité charmante, me tendit ingénument sa bouche à baiser. Il avait, d’un premier mariage deux jeunes filles presque aussi grandes que leur belle-mère, et l’une d’elles admirablement jolie. L’honnêteté et la grâce habitaient sous le toit du pilote. Les heures que je passai à la table hospitalière de Schadrin sont certainement les meilleures de mon voyage en ces contrées. La simple nature, en sa candeur première, si elle est unie à la bonté et à la modestie, compose une fleur exquise dont le parfum est inconnu dans nos villes. »

Cette population russo-sibérienne, au rapport unanime des voyageurs, est bien supérieure pour la santé, la vigueur du corps, la beauté des traits, aux différentes races de la Russie d’Europe. Il y a presque partout une merveilleuse propreté dans les plus pauvres ménages ; une des jouissances du pays, ce sont les bains de vapeur ; il n’est presque pas de jour où les habitans de ces régions glacées ne prennent plaisir à oublier dans des dots de vapeur la rigueur du climat, de même qu’en Italie on cherche l’ombre et le repos sous une tonnelle où serpente la vigne. En été même, quoique les chaleurs y soient souvent plus intolérables que dans le sud de l’Europe, on ne renonce pas à cette chère habitude ; c’est alors un moyen d’échapper quelques heures à l’importunité des insectes, l’un des plus terribles fléaux de la Sibérie Ces bains souvent renouvelés entretiennent le goût d’une propreté minutieuse, et l’on s’imagine aisément la surprise des voyageurs, quand ils rencontrent dans de misérables huttes une race saine, fraîche, robuste, les mains toujours soigneusement lavées, et les pieds aussi blancs que la neige qu’ils foulent. M. Hansteen et M. Hill ne tarissent pas sur ce point.

Je n’ai suivi jusqu’à présent que M. Hansteen et M. Hill ; M. Erman a donné aussi de très curieux détails sur la ville et la province de Tobolsk. Il raconte pittoresquement son arrivée dans la capitale de l’ouest, au milieu d’une poussière de neige particulière à l’automne, et que les gens du peuple appellent les mouches blanches ; il décrit très bien, ce que M. Hansteen oublie de faire, la situation de la ville, sur les bords de l’Irtisch, l’aspect des rues et des places, les maisons de bois, le grand marché, les églises, le palais du gouverneur, l’immense hôtel de la poste, qui répond bien par ses proportions aux idées que ce seul mot éveille. La poste, en ces contrées